BobBy Deerfield appartient à mon avis à ces films qui ont souffert d'être incompris par l'ensemble de la critique... Il était très audacieux, fin des années 70, de la part d'un cinéaste comme Sydney Pollack d'adapter ce roman d'Éric Maria Remarque "Heaven has no favorites" et de le replacer dans une époque où l'on traitait plus volontiers d'une Réalité politique et sociale, et non du désoeuvrement, de L'ENNUI ( au sens métaphysique du terme,) confronté soudain à l'émergence dans un coeur de la faculté de COMPASSION !
C'est le vrai sujet du film de Pollack , et il ne s'agit pas uniquement comme on a pu le dire d'une "banale romance un peu fadasse" entre un coureur automobile (Al Pacino) et une aristo exaltée atteinte d'une maladie incurable(Marthe Keller)...
ce qui était extrèmement délicat (c'est à dire justement ne pas verser dans le MÉLO), Sydney Pollack l'a réussi par le ton de son film: aucun glissement dans le pathos, dans le sentimentalisme facile, mais au contraire priorité donnée au ton TRAGIQUE, à une volonté absolue de quasi hiératisme, de dépouillement, de rigueur chirurgicale dans l'étude des deux personnages...
À ce propos on ne dira jamais assez combien
cette prestation est sans aucun doute l'une des meilleurs de Pacino!! on aime à évoquer plus généralement son art du Théatral, de l'expressivité à haute dose, ses coups de gueule mémorables...et certes il excelle dans cette manière...
mais on parle beaucoup moins volontiers
( c'est pourtant L'ESSENCE MÊME de son mythique Michael Corleone des "Parrain" 1 et 2...) de son GÉNIE dans l'inverse absolu: la maîtrise totale de la non-expressivité! ce qui ne signifie pas absence d'expression, bien au contraire.... Si l'on observe attentivement l'évolution du personnage, on s'aperçoit que du "vide" d'une existence sans "aspérités" (tout lui est acquis, tout lui est dû, C'est LA STAR SPORTIVE par excellence qui a tout et qui n'a rien), son regard s'allume petit à petit, son visage s'acclimate à re- devenir le "miroir" de ce qu'il éprouve: son amour pour Lilian, la beauté toute simple des paysages qui l'environnent, ses joies, ses peines.... et l'immense chagrin contenu d'une mort annoncée.... Il faut savoir entrer dans le "tunnel de Bobby Deerfield" et savoir en sortir en ayant compris comme lui que VOIR,
c'est bien souvent d'abord s'autoriser à DEVINER...
Un très beau film à re-découvrir absolument!!