Un homme fuit un château, accompagné d’une musique angoissante. Panique préambule à l’histoire de cet être en quête de lui-même. «The Fugitive» (USA, 1947) de John Ford s’avère, d’après ces propres dires, davantage l’intrigue sur la recherche d’une identité que la défense du christianisme. A l’instar de l’avertissement liminaire, le film se veut une illustration universelle, tant archaïque qu’intemporelle. Le fugitif du départ, qui se révélera être l’improbable prêtre Henry Fonda, tente de résister face à la lutte anti-clérical du Mexique. Faisant montre d’un manichéisme édifiant, en opposant communiste hargneux, sauvage et chrétiens martyrs, persécutés, Ford use de nombreux symboles chrétiens. La lumière, signé Gabriel Figueroa, le nom vaut la peine d’être retenu pour avoir souvent collaboré avec Bunuel, est l’un des pans les plus attractifs du film de par son esthétique éblouissant. Mais l’usage extatique qu’il en est fait tend à pervertir une telle finesse. Les plans, notamment, de la scène de baptême sont tant d’icônes qui glorifient les opprimés. Ford objecte la foi chrétienne à la technique de masse, c’est la passion contre la raison. Du Bunuel en apparence. La danse de l’indienne, où ses pieds incarnent tout son érotisme, laisse deviner du «Gran Casino» (Mexique, 1946) dans l’air. Or à sanctifier ses légendes, à redoubler de magnifique, surchargeant les mythes fordiens d’une gloire chrétienne, le cinéaste rend ses protagonistes pathétiques, archétypaux. John Ford, éternel mélancolique, déplore les fissures de la foi chrétienne face aux ordres politiques. Mais le cinéaste ne manque pas d’achever son œuvre sur une touche optimiste : une croix christique semble résister au fondu noir final comme pour symboliser l’immortalité de la religion. C’est le calme du prêtre confronté à l’hystérie des soldats qui meut le film, louant les bigots désoeuvrés et stigmatisant les vilains persécuteurs.