Il y a des films qui demandent du temps avant d'être acceptés comme des chefs d’œuvres, des films maudits d'abord, adorés ensuite. Dune, Blade Runner, La Porte du Paradis, Orange Mécanique, Citizen Kane... autant de films rejetés, mais qui se sont ensuite taillés une solide réputation, et sont acclamés comme de grandes œuvres.
Eh bien parmi ces films, il y a Dark City. Sorti en 1998, il eu le malheur de se prendre un flop monumental et d'être catalogué « film pourri » pendant pas mal de temps. Il a pourtant rencontré des défenseurs notamment dans la personne de Roger Ebert, grand critique américain, qui le nomma meilleur film de l'année 1998.
Ce film, grand hommage à Métropolis à Blade Runner et au film noir, raconte l'histoire d'un homme se réveillant et découvrant qu'il est accusé de meurtre. Il fuit dans la ville, sombre et semblant perpétuellement dans la nuit, poursuivi par la police et par de mystérieux individus nommé les « étrangers », vêtus de noir et aux motivations inconnues.
La première chose à signaler au sujet de ce film est son esthétique assez géniale. Un travail de fou a été accompli et cela crève les yeux dans la photographie du film : des immeubles démesurés aux dominantes noires et rouges, des hommes en noir, une peinture stupéfiante de la nuit urbaine... bref, visuellement, ce film assure.
De plus, il reprend un certain nombre de codes du film noir : la femme fatale, le flic en manteau noir, une ambiance très sombre, une ville plongée perpétuellement dans la nuit... Un peu comme l'avait fait Blade Runner. Mais là où Blade Runner montrait une ville malgré tout très colorée, Alex Proyas fait lui, le choix de peindre une cité désespérément noire et cauchemardesque.
Quand à l'histoire, on a rarement fait mieux dans le domaine du cyberpunk. C'est en effet simple et percutant (on est loin de Matrix dans ce domaine-là) et cela permet au spectateur de ne pas trop se questionner à propos de tel ou tel élément du script. Mais en même temps, le film reste prenant de par son questionnement de la nature humaine, son ambiance et surtout, l'enquête menée par le héros pour découvrir s'il est réellement coupable et quelles sont les buts des étrangers.
Cela peut faire penser à Matrix. En effet, les Wachowskis se sont grandement inspirés de Dark City, que ce soit dans son esthétique ou dans son scénario, allant jusqu'à réutiliser les décors du film pour une scène d'action au début du film. La différence majeure réside dans le traitement de cette histoire. Contrairement à Matrix (qui a basé son message sur une réutilisation de la pop-culture), Dark City a tout misé sur les codes du film noir. De fait, il n'y a pas beaucoup d'action dans ce film, l'accent étant davantage mis sur l'ambiance et l'enquête (malgré un très beau climax). Cela explique peut-être l'échec du film : Dark City était un bel hommage à Métropolis, mais pas une révolution dans le domaine de l'action. Ce qui ne revient absolument pas à dire que Matrix est nul, au contraire.
Mais là où Dark City est intéressant, c'est dans son dénouement. Il ne s'agit pas de libérer qui que ce soit, mais de comprendre. Et si cette compréhension peut aboutir à une liberté pour les habitants de cette ville, il n'est pas certain que ce soit inévitable, ni même que ce soit bon. Même les étrangers ne sont pas mauvais, leur but est finalement compréhensible. Et leur but renferme une part de sagesse, transmise par le film, sur l'homme et ce qui le rend différent des autres espèces.
En bref, un grand et superbe film de S-F. Parmi les seuls défauts qu'on pourrait lui trouver, il y a quelques effets spéciaux ayant un assez mal vieillis et une durée un poil trop courte ; mais ces défauts sont largement oubliables, car le film dans son ensemble est magnifique. À voir en priorité.