Entre ma saga 007 de l'été et mon prochain cycle western s'intercale "Dark city", quatrième long-métrage du surdoué Alex Proyas tout juste sorti du succès "The crow".
Synopsis : un homme se réveille dans une chambre d'hôtel sans aucun souvenir. Traqué par un inspecteur tenace et des tueurs instables pour des meurtres qu'il n'a pas commis, il cherche, grâce à l'aide d'un certain docteur, à se souvenir de sa véritable identité. A travers sa quête et la rencontre d'une femme, il va s'apercevoir qu'un complot menace la société.
A travers un scénario fouillé et troussé au millimètre, rare sont les films d'anticipation à peindre des personnages complets, aboutis psychologiquement. Entre le docteur (extraordinaire Kiefer Sutherland !), l'antihéros-fugitif (le semi-charismatique Rufus Sewell, parfait), l'inspecteur retors à souhait (William Hurt, impeccable) et le chef de la résistance (Ian Richardson, magnifiquement méchant), il n'y rien à dire !!, même les seconds couteaux sont bien affutés. Rare, également, est le final. L'écriture filmique (l'enchaînement des situations) en est d'autant plus appréciable, cela apportant un rythme et une tension extrême, nerveuse, sans temps mort qui prend même le temps de critiquer les modes de gouvernance du monde (autoritarisme, démocratie) ainsi que les bases de l'économie moderne (consommation, citoyenneté). Bravo messieurs les scénaristes !! Deux cadors, David S. Goyer (véritable artisan : il a travaillé sur la trilogie "Batman" de Nolan, celle de "Blade"...), Lem Dobbs (protégé de Soderbergh : "Kafka", "L'anglais") et le futur réalisateur de "I, robot" se sont attelés au scénario et nous en mettent plein la vue. Félicitations !!! D'autant que l'on ne reste pas passif : on s'immerge dans l'histoire... .
Pour rester sur le casting, il est tout bonnement parfait. Car pour une fois, on ne cherche pas à savoir qui est qui. Même si on les reconnaît ...ou pas !, ils s'articulent tellement bien entre eux qu'ils font le liant pour nous maintenir en haleine. Une très belle direction d'acteurs, en somme !, qui passe inaperçu. Et lorsqu'on a le standing d'un William Hurt, Kiefer Sutherland (le fils), Rufus Sewell, Ian Richardson, Jennifer Connelly, Richard O'Brien et Bruce Spence, on peut se dire qu'on a vraiment droit à une catégorie de talent hors-pair et hors-norme (voir leur filmographie respective).
Après, côté ambiance, il y a la musique de Trevor Jones ("Angel heart", "Le dernier des Mohicans", ...) qui apporte énormément côté mystique ainsi que les décors de Patrick Tatopoulos qui s'enchevêtrent de manière somptueuse. Ces deux techniques s'additionnent et apportent les clés pour la construction et l'essence d'un film gothique à part entière. Et si l'on ajoute des effets spéciaux excellents, l'on obtient une œuvre baroque (noire) par excellence.
Également doté d'un montage fluide, "Dark city" se caractérise par une mise en scène sobre, collante et raffiné. Alex Proyas s'inspire clairement du néo-classicisme allemand et puise en Fritz Lang un esthétisme sophistiqué (comment ne pas penser à "Metropolis" en voyant naviguer ces immeubles aux accents apocalyptiques ?). D'autre part, il s'agit d'un film noir car il y a enquête policière, les tueurs masqués ont des vestons typiques de ces films des années 1930-40, l'atmosphère est sombre, l'enquête se déroule de nuit.... . Ce conte apocalyptique mélange les genres, et "Dark city", gros bijou de science-fiction, a l'art de se distinguer comme l'égal d'un "Blade runner" ou d'un "Metropolis". Alex Proyas a tout d'un grand. Chef d’œuvre et coup de maître assuré !!... pour cet échec commercial daté 1998.
A voir impérativement.
Spectateurs, connaissez vous les extra-terrestres ?
Interdit aux moins de 12 ans.
PS : au cinéma, j'ai vu hier soir "Le bon gros géant" en 3-D. Conte familial qui brode toujours sur les thèmes fétiches du réalisateur (enfance, aventures et poésie naïve) qui n'a plus le même impact depuis cinq ans (constater sur l'ensemble de sa carrière par la trilogie "Indiana Jones", "Jurassik park", "Poltergeist") je trouve. Alors certes, la technique du divertissement est bien là, mais avec Spielberg on a le droit d s'attendre à mieux. C'est quand même lui le réalisateur culte de "Duel", "Les dents de la mer", "Catch me if you can"... !!
Le lien entre "Dark city" et "Le bon gros géant" vont étonner certains. Mais pas ceux qui auront vu "Intelligence artificielle" (avec William Hurt et le très jeune et talentueux Haley Joel Osment), réalisé par Steven. Et hop, le tour est joué !