"Fleur pâle" est un beau film, construit autour d’une histoire très simple mais qui a le mérite de privilégier une approche psychologique de ses personnages assez inhabituelle dans le genre du film de yakuzas. Muraki, antihéros tout juste sorti de prison, s’apercevra qu’en son absence, le monde a changé et, désœuvré, ne retrouvant plus sa place dans la société, exprimera sa lassitude dans le jeu, la "flambe", les virées nocturnes dans l’underground tokyoïte. La rencontre d’une belle jeune femme, la fleur pâle du titre, éveillera son intérêt et rallumera en lui une petite flamme de vie. Ces changements discrets d’états d’âme sont parfaitement rendus grâce au très bon jeu expressionniste de Ryo Ikebe. Le film est par ailleurs très ancré historiquement dans la période de transition politique du Japon et Muraki peut se voir comme le représentant de tous ces paumés, de tous ces laissés pour compte du changement. La belle fleur Saeko est emblématique de la femme moderne, ivre de vie, d’aventures et de sensations. Elle fascine Muraki qui trouve en elle sa seule source d’intérêt pour cette nouvelle société. Esthétiquement, le film est une belle réussite, tourné dans un beau noir et blanc très contrasté avec quelques scènes remarquables, comme celles des salles de jeu, la scène du meurtre final ou encore la scène du rêve de Muraki (là encore, scène surprenante pour un film de yakuzas). A noter également l’excellent travail sonore de l’inégalable Takemitsu. On pourra reprocher au film certains problèmes de rythme, Shinoda n’assumant pas complètement son approche lente et contemplative et n’approfondissant pas assez, à mon sens, certaines idées capables de renforcer le portrait psychologique des personnages (la chambre dépouillée où Muraki vit seul, sa relation avec sa femme), préférant y substituer des scènes d'action réussies, mais dispensables. "Fleur pâle" reste cependant un film intéressant qu’il serait dommage de ne pas découvrir.