Initialement envoutant, par la suite de plus en plus lent, cette fiction finit par se vautrer dans un politiquement correct d’avant-garde (1985), au point de se transformer en « Pretty Woman civilisationnel » aux allures de syndrome de Stockholm. Qui peut imaginer Natacha Kampusch amoureuse de son ravisseur-violeur-séquestrateur ? Ou plutôt, qui peut imaginer Ashwaq Haji Hami, jeune yézidie ayant recroisé en Allemagne son bourreau de l’Etat islamique se promenant en toute impunité (lui aussi ayant reçu le statut de « réfugié »), heureuse d’avoir été une esclave sexuelle ?
Pourtant, cette fiction reprend les principaux éléments séculaires de la culture musulmane : assujettir comme butin de guerre, ou signe extérieur de puissance, les femmes non-musulmanes (donc les chrétiennes d’Orient, juives, slaves ou blanches occidentales kidnappées en mer et revendues aux marchés aux esclaves), entretenues dans des harems (littéralement : lieu interdit aux hommes) et gardées par des eunuques (des esclaves noirs, fruit de razzia en Afrique, et castrés -à leur péril tant furent élevés les morts issus de cette opération- sitôt arrivés). Certes, on peut imaginer des femmes « heureuses », ou du moins trouvant leur compte dans ce système, des eunuques dévoués et des cheikhs (littéralement des seigneurs) « éclairés », mais qui peut imaginer qu’une femme ayant goutée la liberté prenne gout à cet asservissement ? Pour une touriste de passage, une « gazelle » comme disent sans méchanceté les Maghrébins autochtones, cela peut être amusant d’être évalué à 36 ou 37 chèvres ou chameaux, mais en vrai, qui en rirait ?
Cette fiction a toutefois le mérite d’illustrer à merveille le trompe-l’œil de la supposé spiritualité de la culture musulmane, présentée comme antithèse salutaire de notre matérialisme occidental (lequel est indiscutable mais sans doute réducteur). C’est certainement ce qui nous attire le plus dans l’Orient : être libre comme un nomade, tout en comptant sur la présence réconfortante de la famille et du groupe, vivant simplement d’eau et de fruits. Appliqué sans artifice, cela débouche sur la misère matérielle des bédouins, et le désert provoqué par l’absence d’agriculture. Pour ceux assis sur un puits pétrole, et l’envolée des prix des chocs pétroliers de 1973 et 1979, c’est une aubaine pour garder l’organisation féodale (un seigneur asservissant tout son entourage et rendant justice lui-même) tout en jouissant du progrès occidental, dans les domaines des loisirs (TV, musique, voiture de sport) ou de la santé.
Bref, tout cela est une belle histoire, une belle romance…que je n’aimerai absolument pas vivre !