«Mossafer» (Iran, 1974) compte parmi les premières réalisations d’Abbas Kiarostami. Attaché à l’enfant, le cinéaste raconte l’histoire de Qassem, un petit garçon d’Iran mauvais élève mais passionné de football. Par le prisme de la passion, les actes de l’enfant, que la morale réprouve (comme de voler ses parents), aspire à accomplir le rêve de voir l’équipe de football nationale jouer. Mettant tout en œuvre pour pouvoir fuir voir le match, Qassem réussira à se procurer un billet de bus et une entrée dans le stade. La condition de la jeunesse, sa nature rêveuse empêchera l’enfant d’y assister puisqu’en s’endormant sur une pelouse, il rêvera plutôt que de voir le match. Dans un noir et blanc granuleux d’une fondamentale beauté, le film et sa simplicité essentielle se confondent parfois avec le rêve. La frontalité des cadres, évoquant celle du peintre Irman Maleki, instaure un rapport direct avec l’enfant. Le jeune public comme les plus grands peuvent apprécier l’œuvre de Kiarosami par l’humilité avec laquelle la réalisation est accomplie. Cette simplicité presque primitiviste ne produit pas pour autant une œuvre commune, faite de banalité. La séquence du rêve, qui se détache brutalement du régime esthétique du film par son «expressivisme», affirme la nécessité d’user d’une réalisation ascétique. Les milieux modestes, les paysages sobres permettent une lisibilité directe de l’image et de son action pour permettre au jeune public, à l’instar des grands films de Lamorisse, de saisir pleinement le drame du récit. Ce dépouillement des lieux, qui permet une immédiate intelligibilité habilite Kiarostami à développer la complexité de l’enfance ailleurs, dans l’articulation entre ces lieux dépouillés. Les rues sinueuses, les cohues citadines, les méandres du rêve sont les chemins tortueux qui parsèment le film. Déjà, dans son premier long-métrage, Kiarostami développe le motif récurrent de son cinéma : le sentier (ligne sinueuse) parcourant une montagne (figure immuable).