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Eowyn Cwper
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2,5
Publiée le 23 décembre 2019
Le cinéma du monde arabe est souvent porté par la force des choses sur sa condition actuelle, en dépit d’une histoire qui a forgé la culture d’au moins trois continents. Nacer Khemir, réalisateur du désert, remédie à cela en laissant les mille et une nuits envahir son image ; une référence qui, si l’on s’essaye à la manquer, est ravivée par le seul astre sélène, tantôt croissant ou entier mais toujours gigantesque, qui capte à lui seul l’essence orientale de ces contes.
La nuit est ramenée à son acception originelle de ”chapitre” dans ce monde où elle ne tombe jamais vraiment. La lumière est surnaturelle, le soir amène des ombres bizarrement plus nettes que le jour, et les djinns peuplent l’invisible d’un peuple qui vit dans le rêve, parlant d’amour sans jamais voir de femmes et dont les calligraphes peuvent dessiner une seule lettre pendant vingt ans comme si temps passés et futurs étaient tous deux sans fin.
Voilà la consistance d’une ambiance mise en place pendant longtemps, trop longtemps : la langueur habituelle des mille & une nuits se reflète mal dans ce cinéma très mal joué où l’on se meut comme au théâtre, comme si tout attendait d’être vu par la caméra pour se mettre à vivre.
C’est ainsi, en tout cas, que sont conçus les décors, quoiqu’ils sont l’extraordinaire point fort de l’œuvre de Khemir. Ils sont animés avec une vigueur qui estompe mal leur artificialité & leurs frontières, mais ils sont grands, variés, détaillés & visités grâce à de nombreuses allées & venues de personnages qui ne passent pas loin de rythmer l’histoire à la hauteur de ses graphismes.
Hélas, les acteurs ne sont pas dans leur assiette : la diction est montante, monocorde, les gros plans surjoués, & leur présence naturelle trop contrôlée. En fait, il n’y a pas de vraie liberté artistique chez Khemir, même si sa création se voulait le retour en grâce de croyances chaleureuses panorientales & mélancoliques.
C’est dans l’échec de cette transmission que le film se perd, faillissant à emporter avec lui le spectateur après s’être donné l’illusion de l’avoir séduit au travers d’une patte visuelle nettement travaillée qui, du reste, ne devrait pas décevoir beaucoup de nostalgiques de l’âge d’or arabe.
Tout arabisant sait que la langue arabe a 99 noms pour "Dieu" et qu'il y en a 100 pour "amour". Un apprenti calligraphe part à leurs recherches, mais comment les trouver quand on a chacun sa définition de l'amour, chacun son objet d'amour (homme, femme, singe, cavalier/cavalière, dieu, littérature, savoir...), chacun ses expériences propres ? Ce film sur fond du décor historique de l'âge d'or du monde arabe ne vous apportera pas de réponse, mais illustrera parfaitement que quelques soit votre âge, votre milieu social ou votre parcours éducatif, nous sommes tous capables d'aimer et de haïr.