Il y a plusieurs Bunuel. Celui des débuts, imaginatif et virevoltant qui avait révolutionné le cinéma avec son "Chien Andalou" ; il y a celui de la fin (probablement le plus connu) sage et aguerri, au style abouti. Et puis, entre ces deux périodes, Bunuel s'est longtemps exilé au Mexique (dictature Franquiste oblige) pour mettre en scène une série d'oeuvres plus ou moins sociales, plus ou moins surréalistes et surtout plus ou moins réussies. "Gran Casino" (qui date de 1946) est vous l'aurez compris issu de ces années passées loin du vieux continent et incarne sur un certain nombre de points le célèbre "Los Olvidados" qui verra le jour quatre ans plus tard. Fable morale, le film est caractéristique d'un courant la plupart du temps non assumé par ceux qui l'incarnent, à savoir le catholicisme de gauche (même si Bunuel tentera de se justifier plus tard par un anti-cléricalisme violent). Une conscience en béton, l'humanisme comme dogme, "tu ne tueras point, tu ne voleras point, tu ne seras point méchant" en guise de devise... Une petite critique des grands patrons en passant (qui ne respectent pas la dignité humaine, ce qui ne débouche pas pour autant sur un marxisme revendicatif comme on pourrait naïvement le croire), un semblant de rédemption, une analyse simpliste du sentiment de culpabilité... Qu'est-ce-que vous voulez dire après ça ? Oui, tes valeurs nous conviennent mon cher Luis mais bon, ça fait beaucoup tout cela assené dans un seul long-métrage non ? D'autant plus que tu ne l'as pas mis en scène avec un franc brio et t'es plutôt effacé (à tort), toi, auteur, te réfugiant derrière un conformisme aujourd'hui passé de mode, certes bien propre sur soi (BCBG en quelque sorte) mais tellement ennuyeux. Eh oui, on s'endort et s'énerve très vite devant cette bonne grosse leçon de morale ô combien convenue tant sur le fond que sur la forme. A déconseiller aux plus de cinq ans. Bon, moi je vous laisse, ce genre de trucs, ça me donne envie de mettre le feu à ma maison !