Adaptation cinématographique du roman homonyme de Raymond Queneau, ce «Zazie dans le métro» (France, 1960) de Louis Malle déborde dimpétuosité, de folie poétique, dinfantilité magique. Zazie arrive à Paris, elle y est sous la surveillance de son oncle (Philippe Noiret). La jeune impolie et espiègle ne désire quune chose, prendre le métro. Cest ainsi que sengage une promenade agitée dans les recoins de la capitale, une capitale flouée, où son patrimoine précieux est désacralisé pour mieux être magnifié autrement. Les couleurs affluent, se mélangent et crèvent lécran. Si «Zazie dans le métro» est un des rares films, dit de la Nouvelle Vague, en couleur cest parce que lénergie nécessaire à lunivers et la pléthore des agitations a besoin de cette vivacité, de cette agression des couleurs. Le passé surréaliste du Queneau dorigine transparaît quelque peu dans les tourments visuels du film. Mais si «Zazie dans le métro» émerveille et émet limpression dune fraîcheur cest parce que le langage cru des dialogues est accompagné dun langage cinématographique tout aussi cru, vivace, sans temps morts. Rappelant les burlesques américains pour son utilisation de la rapidité, cest dans les jeux visuels que Malle évoque Tati. Lespace y est chargé de petites péripéties évocatrices, aptes à déclencher le rire, remplissant le cadre dune liesse dapparence incontrôlable. La prouesse et le charme profond de ce film réside dans sa capacité à réinventer un langage cinématographique, qui se nourrit certes de cinéastes mais qui conjugué avec le roman de Queneau trouve sa singularité. Jouant sur le temps, sur lespace, réorganisant les lois du monde et du réel, Louis Malle modèle là un véritable univers, un nouveau Paris.