Stalker, ou l'aboutissement du travail d'un génie du Septième Art. Après avoir vu Le Miroir de Tarkovski un bon mois auparavant je me suis dit "Tarkovski, c'est le mec qui a saisi toute l'essence du cinéma" et là, bis repetita avec Stalker. Le cinéaste livre ici sûrement l'un des plus grands films jamais réalisés en matière de Cinéma, chaque image respirait le Cinéma, le visionnage de Stalker fut pour moi une expérience sensorielle exaltante et également l'occasion de contempler ( ce verbe prend tout son sens ici) la densité d'une oeuvre intense et réfléchie. Stalker est une oeuvre d'art d'une beauté tout simplement ravageuse. La photographie est une des plus belles qu'il m'ait été donné de voir, que ce soit en noir et blanc ou en couleurs ça reste un régal pour la rétine, de plus que ce changement de couleurs a une symbolique, je l'interprète comme un passage du sombre (la réalité) à la lumière (la Zone, lieu de toutes les espérances). Dans son film Tarkovski balaie l'espace de sa caméra, use de travellings somptueux, de plans séquences maîtrisés et a cette manière de zoomer sans qu'on ne se rende compte. Pourtant le film donne cette impression de rester statique, ceci étant sûrement dû à un rythme aussi lent que captivant, le temps semble suspendu, en particulier dans la Zone. Je rajouterais aussi que Tarkovski est un cinéaste qui, armé de sa caméra, balaie l'espace visuel comme personne, le transcendant et le rendant presque infini. C'est cette impression-là que j'ai eu de la Zone, elle semble banale à première vue mais infinie de par le mystère qui l'entoure, notre perception de l'espace s'en trouve modifié, c'est fabuleux!
En dehors des ces innombrables qualités esthétiques dont il est d'ailleurs inutile de les décrire (le mieux étant de voir cela par vous-même), Stalker demeure aussi une remarquable fable métaphysique sur l'homme en quête du bonheur. Le guide voit la Zone comme l'Eldoardo, il est la représentation-même de l'espérance et paradoxalement, il ne connait pas les "miracles" de la Chambre qui consiste à exaucer les voeux les plus chers. Il est accompagné du professeur et de l'écrivain, deux personnages que je vois plus comme une métaphore de la raison et du doute. Ces 3 personnes se retrouveront dans la Zone, lieu de tous les possibles où toutes les lois de la nature sont modifiées, où chaque mètre carrée semble dangereux. Cette Zone c'est le quatrième personnage du film, si ce n'est LE personnage principal. C'est un lieu qui dégage une aura indescriptible, tout semble changer sans qu'on ne s'aperçoive de rien et cette impression, seul un génie comme Tarkovski pouvait le faire, Stalker c'est le film qui prouve que le Cinéma peut donner l'illusion de tout. Ces personnages sont interprétés par de grands acteurs, habitués de Tarkovski, qui offrent ici des performances sobres et intenses, ces interprètes sont juste brillants.
Je soulignerais aussi la richesse des dialogues. Pleins de sens, de philosophie, ils sont formidablement bien écrits. J'ai vraiment pris une claque devant ce film, c'est une oeuvre d'art à part entière et je signe pour le revoir encore et encore. Un film qui mélange le sublime à la réflexion tout en nous proposant une expérience sensorielle hors du commun, comme on en éprouve rarement. Stalker c'est l'Art, Stalker c'est le Cinéma.