« La nymphomane et le picoleur, une histoire de coup de foudre ferroviaire. » Voilà, on est chez Blier, dans une aventure provoc’ et déconcertante, à mi-chemin entre ses grands films et ses grands ratages. On trouve ici de grands moments d’inspiration et de grands moments de n’importe quoi. D’où un certain malaise. La première originalité du film réside dans le fait que les personnages racontent et commentent l’histoire au fur et à mesure qu’ils la vivent. C’est donc l’histoire de Robert Avranche, « spécialiste en matière de tristesse », qui s’accroche à une femme de petite vertu, « l’impératrice des salopes au visage d’ange », prénommée Donatienne (en référence au marquis de Sade ?). S’en suit une série de scènes absurdes et surréalistes, entre Buñuel et Beckett, où il est question de sexualité débridée, de solitude, d’amour et de tendresse. Paradoxalement, le cynisme, la misanthropie (qui inclut une forme de misogynie) côtoient ici un romantisme très particulier, romantisme désespéré des gares et des paumés, à la fois scabreux et lyrique. Cette ambivalence, dans un autre style, fait un peu penser aux romans de Houellebecq. Au final, après des aventures chaotiques et grotesques, le scénario réserve une pirouette qui justifie habilement l’étrangeté du récit et lui donne sa vraie dimension.
Dans le casting (très riche), on trouve Alain Delon, dont on ne sait trop que penser (mais qui a obtenu pour ce rôle le seul César de sa carrière), Nathalie Baye, parfaitement naturelle dans un univers artificiel, ainsi qu’une brochette d’acteurs tout jeunes à l’époque (et avec des cheveux) : Darroussin, Lindon, Reno…