Bertrand Tavernier se plaît à rejoindre dans l’expérience de la réalisation d’autres auteurs de cinéma, dans la tradition quasi-généalogique de son premier court-métrage, partie d’un film collectif : «Les Baisers». «Mississippi Blues» (USA, 1983) est le fruit de la collaboration cordiale entre Tavernier et un de ses cinéastes favoris : Robert Parrish. Documentaire-road movie le long du Mississipi, il suit à la trace les souvenirs selon Parrish du Sud etats-uniens et révèle la concrétude sudiste telle que Tavernier se la découvre devant la caméra. Chants de gospels dans une église, témoignage d’un pasteur noir repenti, improvisation de blues dans une bicoque… Le parcours que trace le film s’égrène et distille par gestes parcimonieux les étapes d’une ballade dilettante. La générosité pourtant gargantuesque de Tavernier paraît étonnement tarie devant ce manque de considération apportée à la vision de Parrish. L’auteur de «My Beautiful Country» se pose en voix d’écho à Tavernier qui prend l’œuvre en main et fait sienne une grande majorité des séquences. Cinéaste énergique qui élargit la chronique, l’anecdote, le détail à la dimension de l’Histoire, Tavernier profite de l’occasion pour faire de ces menus instants les témoignages du Sud. Devant cette volonté, Parrish est un guide, guère mieux que l’accompagnateur d’un touriste comme Tavernier qui semble ne se sentir chez lui nulle part mieux que dans le Sud américain. La séquence où Parrish se remémore auprès de Tavernier de son effroi enfantin d’un Boogyman n’a rien d’un aveu, ni à Tavernier (qui connaissait sans doute déjà ces croyances sudistes) ni même à nous puisque la scène se voit reconstituée après que, sans coupure, la caméra ait pivoté de Parrish à la mise en scène en noir et blanc de son souvenir, nous en dérobant le plaisir imaginatif. «Mississipi Blues» est un film de Tavernier avec Parrish en guest-star, trop passéiste et narratif (limites récurrentes chez le cinéaste français).