Le mardi 9 décembre 1969, les Rolling Stones viennent de terminer une tournée américaine triomphale. Frustrés de ne pas avoir été invité au festival de Woodstock, ils décident d’organiser leur propre festival gratuit sur le circuit automobile d’Altamont, à Livermore en plein désert californien. Cet événement gratuit, que l’on appellera le "Woodstock de la côte ouest", attire plus de 400 000 spectateurs et quelques-uns des plus grands groupes de l’époque se partagent l’affiche : Santana, Jefferson Airplane, Crosby, Stills, Nash & Young, Flying Burrito Brothers et bien-sûr les Stones pour clore la soirée. À première vue, tout semble mis en place pour faire de ce jour "la meilleure fête de l’année 1969". Et pourtant, les choses vont vite tourner au cauchemar.
Pour assurer la sécurité du site, les Stones choisissent d'engager des Hell's Angels, pourtant reconnus pour leur violence, qui seront payés en bière et autres drogues. Pas vraiment intelligent pour contrôler une foule si importante et déjà bien défoncée. Et le début du cauchemar commence. En début d’après-midi, lorsque Santana (qui s’est fait remarqué à Woodstock grâce à leur légendaire interprétation du morceau "Soul Sacrifice" et qui, par la suite, refusera tout commentaire au sujet d’Altamont) entame le début des festivités, des bagarres éclatent entre les spectateurs des premiers rangs et le service de sécurité. Et les choses ne feront qu’empiré avec le groupe suivant Jefferson Airplane, dont le chanteur Marty Balin se fera même frappé violemment au visage par un Hell’s Angels en voulant prendre la défense d’un membre du public. Dans ces conditions, le groupe décide d’arrêter de jouer et quitte la scène. Le Grateful Dead, qui figure également au programme, refusera carrément de jouer son set, prenant conscience que la situation est en train de se dégrader sérieusement.
Après les passages des Flying Burrito Brothers et de Crosby, Stills, Nash & Young (ces derniers refuseront de figurer dans le film, jugeant leur performance très médiocre), c’est au tour des Rolling Stones de distraire un auditoire sous très haute tension. Le début du concert se passe sans encombre, jusqu’à ce que le groupe entame son troisième morceau "Sympathy For The Devil", qu’ils devront stopper à plusieurs reprises. Mick Jagger essaye tant bien que mal de calmer les esprits et d’assurer le show, mais rien y fait. Tous les membres du groupe sont à bout de nerfs, surtout Keith Richards comme on le voit bien dans le film. Et quelques minutes plus tard, c’est le drame qui concluera ce documentaire!! Alors qu’ils interprètent "Under My Thumb", un adolescent noir de 18 ans Meredith Hunter se fait poignarder mortellement par un Hell’s Angels sous l’œil des caméras (on prétend qu’il brandissait une arme en direction de la scène) et succombera de ses blessures quelques minutes plus tard. Les Stones, ayant pas eu connaissance de la tragédie, continueront de jouer.
Au final, le bilan de ce "Woodstock macabre" sera lourd de conséquences, avec notamment trois décès et, de ce fait, sera largement reconnu comme marquant la fin du mouvement utopique des années 60. Les Rolling Stones, quant à eux, attendront plus de trois ans avant de revenir jouer aux États-Unis.
"Gimme Shelter" est un film qui s’adresse surtout aux fans des Rolling Stones, mais également pour les nostalgiques des années bénies. La caméra des frères Maysles est très efficace, filmant de manière très naturelle le quotidien de ce groupe mythique, entre concerts, séance d’enregistrement et interviews. N’étant pas fan des Stones, je n’en reste pas moins fasciné par ce document-vérité, où l’on assiste effrayé et impuissant, de la même façon que le groupe, à la fin d'un rêve et d'une époque.