Attention, il est impossible de regarder "Walkover" en faisant abstraction de son contexte politico-social, celui de la Pologne communiste des années 60 - ou alors on sera rapidement confronté à un film bourré d'incohérences et totalement antipathique. Le problème qui se pose à Jerzy Skolimowski peut être résumé en ces termes : comment faire un film ouvertement anti-système dans un pays où les comités de censure ne l'autorisent pas ? La réponse est simple : en parlant par métaphores, en introduisant dans le récit des messages codés. Le spectateur occidental devra sans doute faire quelques efforts pour sortir de ses habitudes confortables de lecture littérale. Pourtant, c'est par cette perspective seulement que "Walkover" prend tout son sens et révèle sa grande profondeur. Ainsi, on peut voir l'histoire de ce jeune homme polonais qui, au tournant de la trentaine, ne sait pas trop quoi faire de sa vie et participe à des compétitions de boxe car c'est le seul moyen pour lui de s'affirmer, comme une allégorie de la lutte contre le système socialiste et de sa négation des libertés individuelles. Un système répressif particulièrement absurde, à la recherche de coupables à tout prix, comme on croit le comprendre quand Andrzej se fait arrêter par les forces de l'ordre et menacer de prison simplement parce qu'il courait dans la rue près des lieux d'un accident de voiture ; ou quand on voit un homme menotté qui semble être accusé à tort du meurtre d'une jeune femme, qui s'est pourtant suicidée en se jetant sous un train. Le film est entrecoupé de messages publicitaires qui clament que le temps passe, mais qu'il n'est jamais trop tard … sous-entendu : pour renverser l'ordre établi. D'ailleurs, Andrzej, qui collectionne les montres, est toujours à l'heure ; le message est clair : il est de son temps, c'est le système qui est en retard. Outre ses montres, il emporte toujours avec lui son petit poste de radio, mais celui-ci n'est jamais réglé sur les stations officielles, outils de la propagande ; il diffuse en permanence des airs de jazz aux connotations occidentales et libérales. Quant à l'histoire d'amour entre Andrzej et Teresa, on devine qu'elle n'est qu'un prétexte pour donner au film des faux airs de comédie romantique, sans doute pour contourner la censure. En effet, la relation entre les deux personnages est particulièrement trouble, Andrzej avouant à plusieurs reprises qu'il déteste en réalité Teresa, cette enfant du système, qui l'avait fait renvoyer de l'université dans le passé pour non adhésion aux valeurs socialistes. Bref, sous ses dehors de petit film bâclé et inoffensif, "Walkover" est en réalité une œuvre rebelle, dans lequel chaque scène, chaque dialogue sont un appel à la libération.