Non seulement Bullitt est un bon film, mais aussi il marque une date importante dans l'histoire du cinéma policier. Réalisé en 1968, il se débarrasse de l'ambiance studio, il est filmé en décors naturels dans les rues de San Francisco, et aborde une nouvelle façon d'évoquer les rapports entre le monde mafieux, celui de la politique et celui de la police, annonçant ainsi les polars urbains des années 70 comme L'Inspecteur Harry ou French Connection. La réalisation est sans esbroufe, Peter Yates joue le dialogue minimal, avec beaucoup de scènes muettes, analyse avec acuité la relation entre monde politique et police (le premier faisant volontiers pression sur la seconde), et surtout offre des séquences d'action très efficaces. Le film reste célèbre et à juste titre pour son éblouissante poursuite en voitures qui demeure, même si on en a vu depuis beaucoup d'autres, un modèle du genre. On assiste pendant près de 15 minutes à un formidable morceau de bravoure, l'une de ces séquences anthologiques du cinéma ; cette course-poursuite est parfaitement filmée grâce à des angles savants, sans trucages, à 160 km/h dans les rues de San Francisco, où Steve McQueen en sportif accompli, a tenu à piloter lui-même la Ford Mustang au moteur vrombissant, amplifié par la bande-son, en flanquant une trouille bleue aux compagnies d'assurance, c'est pourquoi elle fut bouclée en fin de tournage par peur de l'accident. On aurait tort cependant de réduire le film à cette brillante séquence un peu tapageuse par moment, mais d'une réelle perfection, car le scénario est plus subtil qu'il n'y paraît, et le cinéma hollywoodien nous a habitué depuis à ce type d'histoire. L'interprétation est de tout premier ordre, que ce soit les seconds rôles, la ravissante Jacqueline Bisset, ou bien-sûr McQueen faussement flegmatique, et Robert Vaughn en politicien véreux, tous deux excellents, contribuant à la crédibilité du film qui rompait avec la tradition romanesque du film noir d'autrefois. Ceci témoignait d'un style violent et nerveux, souligné également de façon remarquable par la musique de Lalo Schiffrin, un jazz rugueux tout en crescendo, annonçant lui aussi des temps nouveaux.