Peter Yates signe un polar noir aux consonances musicales et à l'esthétique très seventies. Le film ne date pourtant que de 1968, alors on peut dire que "Bullitt" est en avance sur son temps. Ca passe par la musique, tantôt en marche, tantôt à l’arrêt pour laisser la place au bruit environnant, véritable outil pour matérialiser la tension qu’inspire le scénario. Ensuite Peter Yates révolutionne les codes du polar en intégrant de l’action, par le biais de cette folle course-poursuite qui a fait figure pendant longtemps de modèle du genre. Il est évident qu’en presque un demi-siècle, le cinéma a énormément changé, ce qui fait que "Bullitt" paraît aujourd’hui un peu vieillot, et légèrement poussif. La faute à une évolution des mentalités et de la perception des choses, mais si on le regarde avec un œil ancien, ces défauts (qui n'en sont pas pour moi) ne seront pas ressentis et on pourra remarquer l’énorme qualité du cadrage : entre les plans rapprochés, ceux en contre-plongée, et les plans miroirs (rétroviseurs), c’est comme si nous participions presque (en spectateurs privilégiés) à cette enquête bizarroïde qui nous emmène on ne sait où. Et puis Steve McQueen campe ce lieutenant avec beaucoup de charisme, à la fois inflexible, incorruptible, insensible aux feux de la rampe, et entièrement dévoué au métier de policier. Son charisme prend encore plus d’importance face aux dents longues de Walter Chambers, interprété par un superbe Robert Vaughn qui, selon moi, a la tête de l’emploi : démesurément ambitieux à tel point qu’il marcherait sur n’importe qui pour arriver à ses fins, ce qui en fait un personnage diaboliquement rusé. Par l’intermédiaire de son personnage Cathy, Jacqueline Bisset amène de un certain équilibre et une certaine humilité à Bullitt, alors que dans les polars du genre, l’inspecteur phare pète souvent les plombs pour devenir un chien fou devant une affaire d’une telle complexité, aux nombreuses zones d’ombre, et dans laquelle on n’a de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. "Bullitt" a eu son franc succès, et a inspiré bien des scénaristes, ou des réalisateurs. Depuis "Bullitt", on a eu droit à de nombreuses courses-poursuites, mais souvent sans égaler celle qui a animé les rues de San Francisco. Mais que dire de la scène de la cavale à pied sur le tarmac de l’aéroport ? Impossible de ne pas faire le rapprochement avec "Heat" (de Michael Mann en 1995) qui porte à l’écran une scène du même genre.