C'est en 1995, soit cinq ans avant son dernier souffle, que Claude Sautet livre son testament Nelly et Mr. Arnaud où il va s'intéresser à la rencontre entre une jeune femme ayant quelques difficultés financières et de couple et d'un riche retraité vivant dans la solitude.
Si Nelly et Mr. Arnaud ne se place pas comme l'une des plus belles réussites du cinéma de Claude Sautet, notamment dû à un manque d'émotion (toute proportion gardée), il n'en reste pas moins intéressant à plus d'un titre, en particulier dans les deux portraits qu'il dresse. Se montrant toujours d'une grande justesse, et intelligence, d'écriture, il évoque les problèmes de Nelly puis ceux de Mr. Arnaud avant de les faire rencontrer, puis se rapprocher pour une relation qui mêlera amitié, travail, non-dit, solitude ou encore amour impossible.
C'est ce point-là qui va surtout l'intéresser, à savoir une histoire impossible, avec d'abord des premiers pas chaleureux où l'amitié et les confidences seront présents, jusqu'à ce que la jalousie s'attaque à Mr. Arnaud. Toujours d'une incroyable justesse, Sautet en dresse deux portraits tendres, évitant la caricature ou les jugements mal venus mais toujours d'un réalisme fort, ce qui se ressent aussi dans les dialogues et l'évolution des rapports. Comme toujours, Sautet évoque la vie et ses dilemmes, mais aussi la cruauté comme la solitude et surtout l'amour, qu'il soit impossible, non partagé ou encore faussé. Il met aussi en avant les pulsions humaines, à l'amour que l'on ne maitrise pas forcément et qui peut laisser de bien douloureuses cicatrices.
Il plane sur le long du film un soupçon de mélancolie et de temps qui passe qui se ressent pleinement grâce à la mise en scène immersive de Sautet, nous faisant partager l'intimité des protagonistes, que ce soit dans un bar ou un appartement. Il se montre à nouveau d'une grande sobriété derrière la caméra, trouvant toujours les bons plans pour mieux nous inclure au coeur du récit. Devant la caméra, Michel Serrault est remarquable, tout comme l'osmose qu'il forme avec la belle Emmanuelle Béart, tandis que les seconds rôles (Claire Nadeau, Jean-Hugues Anglade etc) sont impeccables.
Testament réussi pour Claude Sautet qui, à défaut de mettre en scène l'une de ses oeuvres les plus mémorables, trouve toujours la justesse et l'intelligence pour nous immerger au coeur de la vie de ses personnages, où se mêleront non-dits, amour, amitié, solitude et malheur. Le cinéaste de l'humain et de la vie s'éteindra quelques années plus tard et peut reposer en paix, bénéficiant de l'une des plus remarquables filmographies qu'il m'ait été donné de voir avec de nombreux films qui m'auront très fortement marqué.