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Fêtons le cinéma
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4,0
Publiée le 11 mars 2022
Premier film
Sa fluidité remarquable, sa puissance de mise en scène et la tension qu’elle parvient à garder pendant sa petite heure et demie font de Majin une réussite injustement méconnue en France – affront levé par la maison d’édition Le Chat qui Fume, merci à elle. Nous sommes d’entrée de jeu frappés par l’atmosphère oppressante du film : quelque chose est en train de se passer, les événements se précipitent, une famille en renverse une autre au nom du pouvoir, bras armé d’une entreprise de conversion et d’exploitation des populations locales réduites en esclavage.
Le divertissement, flamboyant lors des ultimes séquences, se mêle aussitôt à la fresque historique, simplifiée pour l’occasion, qui remet en lumière la lutte intrinsèque entre gardiens des valeurs païennes traditionnelles et défenseurs d’un christianisme présenté ici comme une tourmente. Le kaijū qu’il faut réveiller devient alors le bras armé d’un Japon archaïque soucieux d’écraser ses oppresseurs et de libérer son peuple ; son axiologie d’abord négative évolue sans que le mythe ne perde de sa brutalité. En effet, nul ne saurait gouverner le Majin dont on craint la fureur plus que toute autre chose ; et s’il épargne, c’est pour mieux en écraser d’autres. Le long métrage entretient fort bien cette rugosité nécessaire au mythe : il retarde son apparition tout en le rendant omniprésent – il pèse sur les situations, menace à l’horizon des conquérants – jusqu’à immortaliser son intervention.
Nul hasard si l’héroïne est prête au sacrifice pour sortir le kaijū de son sommeil : ce don de soi renvoie à la vénération d’entités supérieures terrifiantes dont le sens des valeurs qu’elles portent se modifie en fonction des âges. La séquence de réveil compte parmi les plus impressionnantes d’un film hybride, à mi-chemin entre le cinéma japonais et le blockbuster américain à la Planet of the Apes, sorti deux ans plus tard. Une très belle découverte.