Cette ressortie de Yentl, restaurée, est un vrai bonheur pour les fans de Barbra Streisand et de musicals américains. Il est nécessaire d'apprécier la musique de Michel Legrand, ici tellement (trop?) lyrique. Les paroles du couple Bergman, amis de longue date de Streisand et de Legrand, sont absolument parfaites et s'intègrent, complètent parfaitement les scènes de dialogue.
Il est difficile lorsqu'on est fan de cette artiste depuis 40 ans (tombé amoureux de sa voix à 12 ans, puis dépensé une fortune pour la voir sur scène aux EU et à Bercy) de parler de ce drame romantique musical sans tomber dans l'éloge excessif. Le revoyant 35 ans après sa sortie, il est stupéfiant de voir que les thèmes qu'elle aborde restent malheureusement d'actualité: les dogmes religieux qui discriminent les sexes (ici, l'accès à la connaissance, seulement enseignée aux hommes dans les yechivah); la question du genre (Yentl transgresse allègrement le rôle social attendue d'une femme, notamment celui de cuisiner) et celle de l'orientation sexuelle, thème plus discret. Ainsi, si Avigdor se lie amicalement avec Yentl, travestie en homme pour pouvoir étudier, c'est d'abord par la vivacité d'esprit qu'il décèle très vite chez "lui". Il tombera peu à peu amoureux, sans pouvoir le formuler, de "lui" et de sa beauté androgyne.
Même chose entre Yentl et Hadass. Et si le film n'est pas un manifeste féministe, le personnage de Yentl exprime souvent son aversion des femmes qui restent à leur place assignée, Il en a le potentiel.
L'égocentrisme de Streisand est légendaire (MAD, le mag satirique US la caricaturait dès 1971), son obstination aussi, quitte à briser des partenariat - ce film en est l'apothéose. Au point de faire jouer Mandy Patinkin, qui est aussi chanteur lyrique, sans lui accorder une scène chantée. Où il aurait pu exalter son amour pour Hadass (Amy Irving). Eh bien non! Ce sera Streisand, et personne d'autre, qui chantera à sa place cette passion.
On sait qu'elle a porté, envers et contre tous, ce projet x fois refusé, pendant plus de 15 ans. Donc, elle est partout! C'est sa première réalisation, les plans comme le montage restent académique, le b.a.-ba de la réalisation. Ou excessivement pompeux: la fin, que j'aime tant, et qui rappelle que l'Amérique s'est construite d'immigrants européens.
Cependant, le film est une belle réussite par la qualité des reconstitution du monde yiddish de cette Europe de l'Est du tout début XXe (ignorant, je fais confiance au rabbin-assistant historique). Grâce aux décors réels, aux acteurs et actrices (Amy Irving, splendide) et à la beauté de LA Streisand et de sa voix légendaire. Sans parler de son humour.
Je précise que l'on peut être peu féru sur les religions, je suis athée moi-même, et apprécier ce film tant les thèmes sont universels.