Un détective privé parisien spécialisé dans les affaires d’adultères file un séducteur américain à la renommée sulfureuse. Sa fille Ariane, jeune fille très sage, va faire connaissance avec le séducteur en le sauvant d’un crime. Elle va tomber sous le charme et vivre une relation amoureuse avec cet homme plus âgé qu’elle tout en le cachant de son père. Elle joue avec cet homme comme lui à l’habitude de jouer avec ses conquêtes habituellement.
Billy Wilder, gigantesque réalisateur américain, débute ici sa collaboration avec un dialoguiste de talent, I.A.L. Diamond, avec lequel il travaillera durant 30 ans. Sans lui, il réalisa des chef d’œuvre, et avec lui, il mettra en scène les comédies romantiques référence du XXème siècle : « Certains l’aiment chaud », « La garçonnière »,… et bien sûr « Ariane ». Sous la plume de Diamond, Wilder va s’orienter vers la comédie douce amère et le romantisme. Très inspiré de Lubitsch, dont Wilder est fan, ce film redonne un coup de neuf au genre. Romantique mais jamais neuneu, ce film est toujours très agréable à voir plus de 50 ans après sa sortie. Très emprunt de la morale de l’époque, il nous replonge dans une France et un monde plus apaisé, un bonheur. Pour rester dans le ton, il choisit même de tourner en noir et blanc. Dans le prologue du film, il livre une image de Paris à la Doisneau où l’on s’aime plus qu’ailleurs ou les couples s’embrassent à chaque coin de rue. Et pour parler de ce Paris rien de mieux que Maurice Chevallier avec son accent français et ses airs de papa tendre proche du Chaplin des « Feux de la rampe ». Il donne avec son côté affable doux et malin un tempo au film. Au casting ensuite vient la magnifique Audrey Hepburn dont Wilder dira : « Le culte du néné a envahi le pays. Audrey Hepburn peut d'un revers de main envoyer les grosses poitrines au grenier. Plus jamais un réalisateur ne devra inventer des plans où la fille se penche en avant pour prendre un scotch ou un soda. ». Il est vrai qu’aussi bien alanguie dans une barque ou à quatre pattes sous une table pour chercher son escarpin, petit soldat coquin ou biche émue, Audrey est un conte de fées à elle seule. Parfaitement francophile, elle poursuivra sa carrière avec d’autres films romantiques à Paris et deviendra la quintessence de la parisienne pour Hollywood. Pour lui donner la réplique dans le rôle du séducteur ce sera Gary Cooper, Cary Grant refusant le rôle prétextant à juste titre que la différence d’âge rendrait le propos non crédible. Il n’avait pas tort et c’est là le seul point faible du film, les 29 ans d’écart entre les 2 acteurs plombent l’histoire d’amour. Dommage. Pour pallier à çà, Wilder le filmera souvent dans la pénombre, mais la différence d’âge est difficile à masquer.
Le tout donne une comédie au charme fou bien équilibré entre humour et romantisme. L’écriture est magnifique et la mise en scène sous forme de répétitions est parfaitement bien orchestré sans être ennuyeux. On retrouve les tsiganes, la chambre d’hôtel,… et crescendo la belle prend le dessus sur le séducteur jusqu’à inverser les rôles… très astucieux. Pour toutes ces raisons, çà en fait une des comédies romantiques les plus abouties et les plus maitrisé de l’histoire du cinéma.
Et puis il y a la mélodie romantique ; Fascination, thème amoureux devenu depuis un véritable standard. Une mélodie simple et entrainante dont le spectateur a bien du mal à se détacher après la projection...
Une scène, assez courte, résume à elle seule le génie des dialogues du film. Apprenant qu’un mari cocufié par Cooper (John McGiver, dans un numéro irrésistible) a prévu de lui faire la peau le soir même, affolée, Audrey Hepburn appelle la police et tombe sur le commissaire, interprété par un flegmatique Paul Bonifas (injustement et étrangement non crédité, puisque Wilder lui donne l’essentiel des plans !), accent à couper au couteau et gitane maïs au bec de rigueur :
- Commissaire de police ? (en français dans le texte) Je veux signaler un crime.
- Vous voulez signaler un crime ? Oui madame, quel crime ?
- Il y a un homme et une femme, au Ritz, suite 14.
- "Homme et femme, hôtel Ritz, suite 14". Quel est le crime ?
- Vous ne comprenez pas. La femme est mariée !
- Je comprends. "Ritz, suite 14, homme et femme, femme mariée". Quel est le crime ?
- Elle a un mari et il a un énorme pistolet !
- Ça se précise. Il n’a pas de permis ?
- Il ne s’agit pas de ça. A 22h, il va entrer dans la chambre et tirer.
- Ne vous énervez pas. Il n’est pas encore 22h. A 22h, s’il entre dans la chambre, tire et ne manque pas son coup, rappelez-nous.
- Il sera trop tard. Il faut l’arrêter ! Envoyez quelqu’un, immédiatement !
- Il y a 7 000 hôtels à Paris, 220 000 chambres d’hôtel. Une nuit comme celle-ci, il doit y avoir, dans environ 40 000 chambres, une situation analogue. S’il fallait affecter un policier à chacune de ces situations… Non, madame, c’est inimaginable. Toute la police parisienne n’y suffirait pas. Il faudrait les pompiers, les services sanitaires et les boy-scouts. Ne mêlons pas des garçonnets en culotte courte à ce genre de situation.
Et pour finir une petite pique aux critiques cinémas… Dans Positif, un magazine référence du cinéma, en 1957 ; le critique écrivait: « Ariane […] sent la Bibliothèque Rose à un tel point que ça en devient nauséabond. » Il serait amusant de lire ce qu’en pense désormais la rédaction du magazine...