Au vu du nombre de films sur la guerre froide, je suis rarement enthousiasmé à la simple mention de "guerre froide" quand il s'agit de cinéma. Pourtant, c'est Kubrick. Et quand c'est Kubrick, c'est que c'est forcément bien. Non? Je ne le connais pas sur le bout des doigts, ce qui fait que mon avis n'est peut-être pas très pertinent. Tant pis. Entre Docteur Folamour, Full Metal Jacket, et même Orange Mécanique ou Barry Lyndon, l'armée et la guerre sont un peu des leitmotiv chez Kubrick. J'ai toujours aimé comparer Kubrick à Voltaire ou à ces philosophes des Lumières qui ne savaient créer que pour dénoncer ou se moquer, pour pointer du doigt ou pour déranger. Jamais aucune sorte de considération pour les valeurs établies et contemporaines, au contraire. Toujours trouver un moyen de les réduire en miettes.Et on s'arrête là. Comme si l'art n'était que le glaive éclatant du Progrès. Bref, Stanley Kubrick est pour moi un réalisateur extrêmement talentueux et intelligent, mais sans âme, pour faire court (sauf peut-être dans Barry Lyndon). Et il le démontre encore une fois avec ce film.
Docteur Folamour, dans le film, c'est le scientifique ex-nazi qui n'a finalement qu'un rôle mineur: celui de confirmer qu'une menace planétaire montre le bout de son nez. Les USA se retrouvent face à une situation désespérante déclenchée par un de leurs généraux: des avions chargés de missiles nucléaires sont lancés à vive allure en direction des villes russes, sans aucun moyen de rétractation. Mais le point focal du film se situe moins dans l'intrigue que dans la peinture des personnages ainsi que dans la réalisation. Si les militaires américains apparaissent comme des fanatiques ultra-nationalistes, la classe politique est elle désespérante de flegme et de passivité: le choc entre les deux accouche d'un ton résolument comique et satirique. L'absurde guette à chaque instant, et ces pauvres soldats persuadés d'accomplir une mission historique sont les pantins d'une guerre qui n'a plus de sens. L'une des dernières scènes nous montre un soldat hilare perché sur un missile nucléaire, proche de l'explosion: symbole de l'absurdité et de l'humour noir dans lequel baigne le film.
La mise en scène de Kubrick est tout simplement géniale. La BO, avec des hymnes de guerres retentissants au début, ridicules à mesure que la situation se décante, fait partie intégrante du film. Certains plans sont magnifiques, et le montage est intelligent. Les 10 dernières minutes baissent en intensité et en maestria, je trouve. Ce n'est plus vraiment comique, et ça frôle le too-much. Même si tout est un peu too much. Mais un too much voulu et réussi. Magistral quand même.