Pourquoi ce film est-il un classique incontournable me demanderez-vous ? Tout simplement parce qu’il met tout le monde d’accord. On dira que Kubrick est obsédé par la guerre, oui, mais il n’est jamais aussi bon que quand il est obsédé par son sujet. Tout indique un drame politique-fiction, mais le second degré permanent, accompagné d’un humour plus que caustique, transforment le film en reflet d’une époque révolue, et en manifeste presque anarchiste, une vraie bombe ! Jamais le contexte de guerre froide n’a été montré de façon aussi perspicace et originale. Dès le premier plan, avec ce tank qui nous observe canon en avant, bien dressé, qu’on jurerait un phallus de métal prêt pour une agression virile, et le ton est donné. Et ce n’est pas cette musique qui nous rappelle les vacances à la mer qui va arranger les choses, se sera de pis en pis dans l’escalade tragi-comique. Peter Sellers est excellent, et enfile plusieurs rôles à la perfection, l’histoire est aussi absurde que l’était les tensions Est-Ouest de l’époque, et surtout, il n’y a aucune leçon de morale. C’est une sorte de huis-clos claustrophobique tout en altitude dans un avion, et dans un bunker qui ressemble au pentagone ou à l’Onu. Cela noud offre des quiproquos et des dialogues de sourds dignes d’Ionesco. On est loin du grand spectacle racoleur attendu d’un tel film, sans des millions de figurants et des corps à corps sanglant. Non, tout est dans la tête, dans les dialogues, et une écriture richissime, des répliques d’enfer ; à enseigner dans les écoles de cinéma, ce scénario. Ça vole haut dans le parodique, et les gags sont d’un niveau supérieur. Il suffit de se rappeler du dernier plan, qui répond au générique, à la fois superbe, symbolique, et choquant. Kubrick en état de grâce, quoi.