Borzage signe avec Le Fils du pendu l’un de ses derniers films, et c’est une franche réussite. Réalisateur adulé, il offre ici un bijou de mise en scène. Travelling avant étonnant, mise en scène nerveuse qui sait également magnifier les émotions, le métrage enquille les scènes brillantes d’intelligence (la grande roue) qui, à l’époque, n’étaient pour beaucoup pas faciles à faire et nécessitaient d’avoir de l’idée ! Porté par un noir et blanc superbe et une ambiance très travaillée, notamment avec un manoir gothique, un marais soigneusement reconstitué en studio, une fête foraine… Le film est visuellement superbe et bien accompagné par une partition certes, très symphonique comme on les faisait à l’époque, mais très réussie.
A côté de cela, l’interprétation tient clairement la route. Dane Clark n’est pas l’acteur le plus connu de sa génération, mais il trouve ici de loin son meilleur rôle. Il incarne à merveille ce héros borderline, volontiers violent mais pouvant être aussi très doux, emporté, versatile, culpabilisé… Il trouve un équilibre d’une incroyable finesse. Face à lui, Gail Russell tient son personnage, plus classique et moins profond, mais très justement campé néanmoins. Il y a par ailleurs d’excellents seconds rôles, souvent séduisants par leur subtilité, leur profondeur, en particulier le shérif et le personnage de Mose campé par un Rex Ingram impérial. Vraiment, que du bon de ce côté-là.
Enfin, le scénario est d’une efficacité redoutable. En 85 mn, le film distille une intrigue affutée sur la culpabilité, la mauvaise génétique potentielle, la violence qui génère la violence… Beaucoup de thèmes en réalité sont brassés dans ce film d’une grande richesse qui ne laisse pas voir le temps passé tant tout est mené avec une fluidité et une maîtrise de chaque instant. Ce genre de qualité d’écriture se fait extrêmement rare de nos jours, et l’on aurait eu au moins, pour un film équivalent, un métrage de 2 heures 10 aujourd’hui. Là en 85 mn, Borzage plie l’affaire et livre sur son sujet un des meilleurs métrages possibles qui s’offre en sus le luxe d’une fin à contre-pied de ce que l’on aurait pu attendre à la base.
En clair, Le Fils du pendu est un film excellent, puissant, maîtrisé, qui surprend agréablement par la qualité de son récit, son jeu d’acteur, sa beauté formelle. Rien à redire, c’est un gros morceau de l’année 1948. 5