Il est singulier, pour cette descente aux enfers, que Ted Kotcheff ait titré son film Réveil dans la terreur. Comme si, bien sûr, la vie morne et sans relief de cet instituteur n'était qu'un rêve, dont il suffisait seulement d'ouvrir les yeux pour s'extirper droit vers un réel qui s'avère être un cloaque, un lieu de déliquescence pur et simple. Certes, Kotcheff donne bien quelques raisons au naufrage de son personnage - ses pertes au jeu, notamment, mais tout ceci ne sonne que comme un vague prétexte à peine convaincu pour amorcer ce qui était en fait purement inévitable. Lieu perdu, presque damné, le bled où échoue l'instituteur est comme un petit enfer terrestre, celui qui accueille les hommes perdus, privés de toute volonté et de tout élan vital. Tous y semblent happés, les rustres comme les gens cultivés, les seconds n'ayant pour avantage que de constater leur condition de naufragés et de goûter à l'amertume qui l'accompagne. Mais comme les autres, ils sont rappelés à leur trivialité, leurs instincts primaires, dans une fuite éperdue qui prend l'alcool pour appui. De Wake in Fright finit par émerger un brûlant désespoir, dont le seul échappatoire parait être la mort
choisie par le personnage
. Car si celle-ci échoue, le récit curieusement construit en une boucle parait lourdement signifier que l'inévitable reprendra rapidement le dessus. Si Wake in Fright peut terrifier, en dehors de la scène de chasse au Kangourou (scène réelle, tournée avec des professionnels licenciés mais qui ne manque pas de dégoûter profondément), c'est surtout parce qu'il conjugue au nécessaire ce qu'on voudrait à tout prix éviter ; un gouffre, un vide, l'image d'une vie construite comme un trou noir. Osé et extrêmement prégnant.