Thelma et Louise fait office de petit intrus dans la filmographie de Ridley Scott qui, jusque-là, verse souvent dans le fantastique (Alien, Legend, Blade Runner, sans oublier la célèbre publicité pour Apple 1984). Soucieux de laisser de côté la science-fiction notamment pour gagner le respect de la presse, après 2 films supplémentaires sans grand succès, il réalise Thelma et Louise qui ravive momentanément sa notoriété.
Le film remporte le Golden Globe et l’Oscar 1992 du meilleur scénario, ainsi que de nombreuses nominations. Sa sortie en salles provoque de nombreuses polémiques, mais également un grand engouement.
FÉMINISME, WHISKY ET BRAD PITT TORSE NU.
Ne pas juger un livre à sa couverture, ni un film à sa jaquette. Contrairement aux apparences, Thelma et Louise est un film hautement polémique à l’époque, porteur de nombreuses thématiques heurtant les petits yeux sensibles de l’Amérique puritaine : le viol, la défense légitime par les armes, le vol à main armée, sans oublier la conduite en état d’ivresse, l’adultère, le tabagisme, la consommation de cannabis, le vandalisme (et le meurtre, accessoirement).
You shoot off a guy’s head with his pants down, believe me, Texas ain’t the place you want to get caught.
Pourtant, malgré cette liste (non exhaustive ?), Ridley Scott parvient à sortir une oeuvre lumineuse, souvent drôle, presque optimiste (je dis presque, à cause de la fin, tu ne sauras pas qu’en penser et si tu dois pleurer ou pas, tu verras). Thelma et Louise, malgré des caractéristiques qui plairont indubitablement à la gente féminine et feront dire à certains (qui ne l’auront pas vu pour la plupart) “film de gonzesses”, est loin d’être girly ou niais. C’est un véritable cri de liberté féministe et une réflexion entamée sur certaines lois injustes (notamment le thème de la responsabilité de chacun en cas de viol), ou la condition de la femme, encore à l’époque (ou de nos jours), et dans un pays qui se revendique démocratique.
Ridley Scott, qui avec la scénariste Callie Khourie réfléchissait au film depuis 1980 (source), a fini par le réaliser lui-même, fort de l’expérience d’Alien où le lieutenant Ripley jouait déjà un rôle très masculin. Ainsi, il s’est lancé dans l’histoire de deux femmes en fuite, un thème boudé par Hollywood qui à l’époque tend à ressortir en permanence les mêmes scénarios (comme quoi, pas grand-chose n’a changé – see what I did there ?). D’ailleurs, il peine à trouver des producteurs au vu du dénouement peu conventionnel de Thelma et Louise.
Ces deux femmes, soumises à une loi masculine pendant les 35-40 première années de leur vie, se libèrent de cet asservissement, tout en regagnant leur sexualité. Pourtant, étonnamment, et sans perdre leur féminité, elles gagnent du même coup une attitude assez masculine : abandon du maquillage et des bijoux, jean et t-shirt, attitude, vocabulaire… Une attitude qui ira même à faire des héroïnes deux icônes du féminisme, voire de l’homosexualité.
Les hommes d’autre part, sont pour la plupart soit dans l’incompréhension (Jimmy, Slocombe), soit dans l’objectification sexuelle (helloooo Brad Pitt…), voire carrément la beaufitude, le machisme, la domination et la vulgarité (Darryl, Harlan, le routier…). Pour ceci, et pour la revendication de deux héroïnes comme symbole de révolte face à des personnages masculins peu mis en valeur, le film sera parfois taxé de misandrie.
Where do you get off behaving that way with women you don't even know, huh? How'd you feel if someone did that to your mother or your sister or your wife ?
S’il est besoin de raisons supplémentaires de voir ce petit chef-d’oeuvre, citons une bande originale absolument sublime composée par ce génie de Hans Zimmer, et envoûtante dès les premières minutes passées. Soutenue par quelques morceaux de rock ou de musique country, elle nous plonge totalement dans l’ambiance ce petit bar surpeuplé du Texas ou encore la contemplation de ces interminables plaines du Colorado…
D’autre part, notons justement une photographie parfois magnifique, notamment tout au long de la deuxième partie du film, se dirigeant peu à peu vers l’ouest des Etats-Unis, passant probablement brièvement par l’Oklahoma et atteignant enfin le Colorado. Une ambiance parfois rêveuse, voire mélancolique, qui tranche avec le dynamisme jouissif des scènes de “craquage” de Thelma et Louise. Le tout menant à un dénouement ambivalent – ma manière de dire “je pleure à chaque fois, mais je ne sais pas exactement pourquoi”. Hum.