« T’es folle depuis toujours, mais c’est la première fois que tu te lâches autant ! » Voilà ce que Louise clame à Thelma : une phrase qui résume superbement ce film de Ridley Scott, devenu un classique du Road Movie.
Thelma est une jeune femme au foyer, tyrannisée par un mari machiste, brutal et étouffant. Elle a pour meilleure amie Louise, une serveuse dynamique qui n’a pas sa langue dans sa poche. Mais les deux femmes en ont toutes deux assez de leur vie de couple ennuyeuse et morose. Aussi, Louise propose à Thelma de partir pour un week-end entre filles à bord d’une Ford Thunderbird décapotable. Le temps de mettre les bagages dans le coffre et les voilà parties. Au cours du trajet, les deux femmes font escale dans un dancing, où Thelma se laisse aborder par un homme qui la fait boire, danser puis, sur le parking, tente de la violer. Louise vient au secours de son amie et tue son agresseur. L’intrigue est nouée, et le spectateur a le plaisir de suivre les deux protagonistes dans une cavale formidable sur les routes des Etats-Unis.
Avec cette belle « épopée automobile », le réalisateur d’Alien, le huitième passager et de Gladiator fait le blâme farouche du machisme. Les deux héroïnes souffrent, en effet, beaucoup de leur condition de femme, en ce sens que leurs conjoints respectifs prennent beaucoup de place dans leur vie sans jamais vraiment les considérer comme elles le voudraient. Thelma et Louise ne sont pas des femmes à hommes, mais plutôt des femmes « pour hommes » Les hommes sont comblés par elles, mais elles ne sont pas comblées par eux. Ce voyage à travers l’Amérique, les rencontres qu’elles font, les épreuves qu’elles traversent sont souvent difficiles mais pourtant libératrices de l’oppression masculine.
Si certaines scènes sont volontiers teintées d’humour noir, le film, dans son ensemble, porte des accents profondément tragiques. En effet, bien que le genre policier soit omniprésent, c’est bien un drame psychologique auquel le spectateur assiste. Les deux actrices principales, Geena Davis (Thelma) et Susan Sarandon (Louise) restituent avec une belle sincérité la complexité psychologique de leurs personnages. Toutes les émotions, tous les sentiments, se lisent dans leurs yeux, s’entendent dans leur voix. Louise est rongée par un mal qui lui vient du Texas, la rendant malheureuse, mais dont elle refuse de parler à qui que ce soit – on supposera toutefois qu’elle a été violée, ce qui expliquerait son geste au début du film et le fait que la police mène une enquête – alors que Thelma est désorientée par une liberté trop vite reconquise. Cependant, leur cavale mouvementée leur permet finalement de se retrouver et de s’affirmer enfin comme des femmes libres et décomplexées : elles refont le monde, disent du mal des hommes, renvoient magistralement les obsédés sexuels à leurs fantasmes dégoûtants. La police les a retrouvées, mais elles n’en ont que faire. Ce qu’elles veulent, c’est vivre pleinement leur vie, sans plus se soucier de rien.
C’est donc fort de la beauté naturelle des paysages américains – le spectateur est subjugué de voir la belle voiture de Louise glisser le long des routes au milieu d’un beau sable orange et de hauts canyons – et du talent de ses deux actrices principales, que Ridley Scott fait un merveilleux éloge de la féminité, et lance, à toute l’humanité, un appel à la vie simple et heureuse.