Suite à sa disparition sur une île, Sandro part à la recherche de sa fiancée, aidé de Claudia, dont il finira par s'éprendre...
Le premier Antonioni que je visionne. Je m'attendais à quelquechose de plutôt posé (certains diront lents mais j'aime pas le coté péjoratif du mot) et s'attardant sur ses personnages. Et bien j'ai été servi bien au dela de mes espérances . Ce qu'Antonioni dépeint, ce n'est pas la perte d'une amie ou d'un amour, ni l'amour d'une femme pour un homme, c'est la Perte, la Culpabilité et l'Amour tout entiers.
Et cette tension vers l'universel, je peux dire sans me tromper que c'est ce que je cherche au plus profond du cinéma.
Le choix fondamental d'Antonioni est pour moi cette mise en suspens de l'intrigue. Anna est-elle morte ou s'est-elle échappée par peur d'être étouffée par sa relation avec Sandro? Ce que aurait pu rester une simple enquête/ poursuite prend par ce choix de se concentrer sur Claudia et Sandro une ampleur absolument superbe.
Antonioni peint littéralement les sentiments des personnages par petites touches. Les profonds regards hallucinés de Monica Vitti dans le lointain traduisent mieux que nimporte quel dialogue la détresse que l'on peut ressentir face à la disparition d'une amie très proche ou le doute et l'incertitude face à sa propre action.
Un autre exemple de cet attitude de peintre se trouve selon moi dans l'importance accordé aux échanges de regards entre les personnages. Rien n'est dit lors de l'échange amoureux véritable et la parole semble servir plus lors des phases de doute avant les ruptures (définitives ou non)
On parle souvent des signes au cinéma, je ne peux m'empêcher de penser à ça en voyant la manière dont le lever de soleil pénètre à nouveau dans la maison de l'île juste après la naissance d'un nouvel amour et comment au contraire on n'en trouve pas la moindre trace dans l'hotel final.
Au dela même du profond sens qu'Antonioni parvient à donner à son unité entre la réalisation et l'intrigue, le film est d'une beauté absolue. La précision et la sensation qui se dégage de certains plans est juste formidable. Chaque fois que Monica Vitti fait une pause et se tient immobile, on a droit à une véritable fascination pour Claudia comme si Antonioni était en train de peindre sa Joconde à lui. Tres fort.
A ce titre, le dernier plan du film reste dans la grande Anthologie du Cinéma.Le déchirement entre l'universel et le terrestre, l'inconnu et le présent.
Tous ces plans larges ou au contraire très près des personnages sont comme d'immenses représentations de la peur d'un inconnu et d'une incertitude immense et mélancolique, que ça soit à l'extérieur (le lointain du lever de soleil, de l'ile volcanique lointaine) ou à l'intérieur des coeurs des personnages (regards vagues et hallucinés comme exprimant une détresse bien plus grande que sa simple petite personne).
Mais le film n'est pas que mélancolie, c'est aussi sa force. Antonioni parvient à introduire une sensualité impressionante sur certains passages qui n'auraient pas classiquement lieu de l'être. Toute la scène du jeune peintre est à mon sens magnifique en ce que elle montre bien que le monde n'est pas que tristesse, qu'il est aussi possible d'y trouver la joie.
Pour ce qui est des acteurs, je pense que quiconque lit ce texte a déja repéré que j'étais très impressionné par le jeu et la beauté naturelle de Monica Vitti. Elle semble jouer tout seulement tellement naturellement et sans artifices qu'il est difficile de ne pas, à notre tour, se laisser entrainer.Je ne la connaissais pas jusqu'à aujourd'hui et je ne suis pas près de l'oublier.
Gabriele Ferzetti est lui aussi brillant dans son rôle de fiancé épris mais qui sent pourtant la tentation l'envahir très rapidement après la disparition.
Pour ce qui est des seconds rôles, je dois dire que la comédienne jouant Anna est également magnifique, et incarne clairement un autre type de beauté, plus italienne, moins à part que Monica Vitti.
En résumé, un film véritablement fascinant portée par la pureté visuelle et l'évocation profonde des sentiments des protagonistes