Lyon la ville est ce qu’elle est, belle comme elle se présente, morne ou vive au gré du hasard. «Une semaine de vacances» (France, 1980) de Bertrand Tavernier est à l’image de la ville, fluctuante et, par nature, aussi émouvante qu’elle se peut frivole. L’histoire de cette enseignante au bord de la crise de nerf relève tant de la part intime et psychologique du personnage (interprété avec délicatesse et belle incertitude par Nathalie Baye) que de la triviale insignifiance de son quotidien. De la juxtaposition de ces deux registres, où les souvenirs traumatiques côtoient un quotidien banal, résulte une impression de réalisme. Tavernier est bien cela : un impressionniste du réalisme. Ces plans troubles, volant grâce à la steadycam captent les pointes émotives de la vie et reconstituent dans le même geste la partialité du réel. D’autres films de Tavernier, comme «Que la fête commence», renvoie davantage au surréalisme. Or du point de vue de l’image, de sa texture, de sa composition et de la majorité de ses couleurs, son œuvre assimile réalisme et impressionnisme. Du réalisme de Courbet, il y a cette présence ramassée des corps hétérogènes, de l’impressionnisme d’un Manet, il y a cette fulgurante luminosité que Glenn, pour «Une semaine de vacances», ternit afin d’évoquer le bref désarroi mental de l’héroïne. Cette immixtion du réalisme avec l’impressionnisme (pourtant deux mouvements picturaux fondamentalement contraire puisque le second est né en réaction au premier) permet à Tavernier de cultiver deux régimes narratifs : l’un qui se veut ancrer dans la «représentation triviale de la réalité, sans choix ni arrangements» selon les termes de Théophile Gautier pour qualifier le réalisme et l’autre qui entend explorer occasionnellement, comme un effet de surprises dans le récit, comme les touches incertaines des peintures de Sisley, des souvenirs enfouis qui, le temps d’une semaine, remonte à la surface. La curieuse alchimie visuelle et narrative délaisse la vraie passion.