L'ENFER ordinaire à Téhéran, dans un effet de mise en abyme qui cause un certain vertige. 3,5/5 en soutien au cinéaste, emprisonné par son pays. Ce film, qui ressemble à un essai non finito, faussement raté, offre une immersion urbaine réaliste à travers les errements inquiets d'une fillette que sa mère n'est pas venue chercher à la sortie de l'école, et qui tente bon gré mal gré de rentrer chez elle, sans bien y parvenir, à travers une circulation automobile chaotique. C'est l'enfer des transports: sur un bon nombre de plans, on peut compter l'apparition de 20 à 60 véhicules par minute à l'écran! Il y a ce petit vieux qui ne parvient jamais à traverser le boulevard malgré un passage piéton et qui, plongé dans l'absurde, refait toujours le même chemin. Bref, Jafar Panahi signifie par là que la voie est bouchée, que son pays a choisi l'impasse; qu'on cherche à faire de la femme un cafard noir qui s'écrase docilement; que les disparitions non expliquées restent monnaie courante. Vers le milieu du film, la petite fille et sa voix sur-aigüe imprime un virage de manière inattendue, qui amène le cinéaste à continuer à la suivre dans la rue par micro HF interposé: or c'est la même chose, avec une dimension soi-disant plus réaliste. On sort en quelque sorte de la fiction: celle-ci se trouve dénoncée (on perd le factice de la mise en scène, on révèle la vérité, on subit des coupes de son...), pour se rendre compte non seulement que la réalité n'est pas si éloignée de la fiction première, mais aussi que de la fiction a sans doute été réinjectée (on a par exemple le discours sexiste-patriarcal du chauffeur de taxi ou le dialogue avec le policier du quartier). Quoiqu'il en soit, Panahi exprime à nouveau, dans la veine de LE CERCLE (d'une austérité terrible), à travers ce tournoiement désorientant, la métaphore d'un pays où même à l'air libre, on se sent emprisonné, sans but, secrètement menacé, incapable de se retrouver, sans information fiable et soumis à un sexisme trop officialisé pour qu'on puisse s'en révolter. Sous des apparences banales, Le Miroir entraîne le spectateur dans l'image reflétée d'une réalité oppressive.