Premier film d'un cinéaste de 32 ans qui sera également lauteur, en 1996, du très beau Huitième Jour, avec Daniel Auteuil et P. Duquenne, le jeune trisomique qui joue également le frère de Toto. Film émouvant et troublant avec plein de symboles (leau, le feu
). Imaginaire puissant, fantasmé, noir, sur les douleurs de lenfance, très bien mis en scène. Thomas, un vieil homme en maison de retraite, est persuadé depuis sa petite enfance, quil a été échangé, à sa naissance, suite à un incendie dans la maternité, avec Alfred, le fils des voisins. Cest lui qui lui a « volé » sa vie. Ce point de départ, qui a aussi donné des comédies hilarantes (La Vie est un long fleuve tranquille, dAntoine Chatillez), sert ici de prétexte pour raconter une vie déchecs qui condamnent son héros au malheur. Avec des allers-retours permanents et très réussis, entre lenfance, lâge adulte, et la vieillesse, on assiste à la disparition du père (à cause, indirectement, du voisin) puis de la sur (adorée, incestueuse
), puis de la mère. Thomas va même rater son histoire damour avec la femme dAlfred, réincarnation troublante de la sur. Il finira par se faire tuer au lieu et place dAlfred, conclusion logique, de cet « échange de vie », de ce délire permanent de substitution où les fantômes du passé viennent croiser ceux du présent, entre réalité et hallucination, entre lucidité et folie.