Il y avait une pub qui disait du Canada Dry que ça ressemblait à de l’alcool et que ça avait le goût de l’alcool, mais que ça n’était bien évidemment pas de l'alcool. En ce qui concerne "Piège à minuit", c’est un peu la même chose : ça ressemble à du Hitchcock, ça a le goût de Hitchcock, mais ce n’est pas du Hitchcock. Vendu comme du suspense hitchcokien, on est quand même loin du compte : les ongles s’en sortent indemnes, et on reste tranquillement assis sur son canapé. On se laisse quand même prendre au jeu aisément, mais David Miller n’a pas la maestria du maître du suspense. Cependant on doit reconnaître qu’il a été suffisamment habile en utilisant les fausses pistes pour abuser le spectateur sur le dénouement final. Mais si le spectateur se laisse prendre au jeu, c’est principalement grâce au jeu de Doris Day, laquelle rend une très bonne copie en femme riche fragile (on n’est pas loin du cliché, d’ailleurs…). On finit même par ressentir au moins un minimum l’angoisse de son personnage, en particulier lors de la scène de l’ascenseur plongé dans le noir (plus d’un aurait perdu les pédales dans ce cas). A propos, petite parenthèse pour remercier les scénaristes d’avoir oublié l’éternelle chute des clés au moment de rentrer dans l’appartement (au début du film)… Il valait mieux que son interprétation soit irréprochable car une grande partie du film repose sur ses épaules. Pour le reste, allant de la mise en scène à la musique, c’est du classique, ou plutôt tout lorgne ostensiblement vers Hitchcock. Qu’en aurait-il été si ce dernier s’était occupé de la réalisation ? Aurait-il laissé passer des séquences où même les femmes de la haute vont se coucher sans se démaquiller ? Il n’empêche que tout a été soigné aux petits oignons pour essayer de faire concurrence à Hitchcock : des grands noms du cinéma (Doris Day, le solide Rex Harrison, John gavin…), une musique qui colle au style de l’intrigue, un Londres filmé à son avantage, notamment quand il est noyé dans un épais brouillard que seule une voix inquiétante parvient à percer, et des décors en lien avec le statut social des Preston. Donc non, ce film n’est pas mauvais, mais il n’arrive pas à la cheville des Hitchcock. Après il reste tout de même une certaine nostalgie du cinéma d’antan. A découvrir, donc…