(...) Sydney Pollack filme tout d'abord cette longue enfilade de personnes qui s'inscrivent pour le concours. Bien sûr, les organisateurs refusent d'entrée de jeu les participants un peu trop malades ou souffrants, ceci dans le but évident d'éviter un décès et un éventuel procès voire tout simplement un scandale qui obligerait le promoteur à mettre la clé sous la porte. Les règles du jeu sont expliquées et nous voilà partit pour un long défilé de couples qui se dandinent, rythmés par une pause de 10 minutes toutes les deux heures afin de se reposer voire de se laver. Les candidats peuvent également se restaurer avec un buffet qui arrive de temps en temps. Bien sûr, nos pauvres bougres ne se font pas prier et se ruent littéralement dessus, dévorant, engloutissant, mâchant à peine ce qui se présente sous leurs yeux. Une horloge tient le compte des heures et du nombre de couples restants sur la piste. Quand au public, car oui, il y en a, il paie l'entrée cinq cents, se voit nourrit à l’œil lui aussi et assiste bien peinard à se show pas comme les autres. Poussés par le désespoir, les couples dansent durant des heures entières, repoussant leurs limites, tenant le coup durant des jours et des semaines, poussés par l’appât du gain et l'espoir d'une vie meilleure. Ils peuvent aussi se voir sponsoriser par des membres du public. (...) Le film nous pousse sans cesse à nous questionner, à nous interroger sur ce que l'on voit, au fur et à mesure que les rouages cachés de ce triste spectacle nous sont dévoilés. Si au début, on peut se laisser prendre au jeu, d'essayer de deviner qui va gagner le concours, quel personnage va craquer, on en a très vite plus rien à faire et on attend qu'une chose : que le calvaire se termine. Le film n'est pas ennuyeux, non, jamais, bien au contraire. A la fin des années 60 et durant les années 70, le but n'est pas de faire un cinéma ludique, qui joue avec le spectateur et flatte son ego mais bel et bien d'éveiller les consciences, de faire travailler son cerveau tout en triturant ses tripes. (...) Au rayon mise en scène, Sidney Pollack, qui en est alors au début de sa carrière, est incroyablement inspiré. Comme la plupart des cinéastes, il a eu tendance à épurer son style, devenant peu à peu un cinéaste classique, à la mise en scène presque invisible voire sans personnalité. Mais là, il n'hésite pas à faire des cadres cassés, multiplier les points de vue et surtout, il signe des séquences de courses immersives. Le cinéaste a d'ailleurs filmé la plupart des plans lui-même en se juchant sur des rollers et en suivant les mouvements des acteurs, signant des vues subjectives bluffantes, rendant le chaos palpable. Les éclairages sont également parfaitement rendues et le film conserve un look assez particulier, avec son image un peu sale, rendant là aussi avec beaucoup de force la crasse ambiante. Quand aux acteurs, ils sont très bons et assez attachants dans des rôles pourtant peu évidents. La critique complète ici