Chef d'œuvre du cinéma, Amadeus décrit avec un sens du spectacle remarquable le destin brisé de Mozart. Les décors, les costumes et bien évidemment la musique du génie de la composition classique se conjuguent pour faire revivre la Vienne des empereurs autrichiens, vivant au rythme des opéras et des compositions parmi les plus somptueuses de l'histoire. Dans cette effervescence culturelle, raffinée et mondaine, Amadeus prend le parti de nous raconter la vie de Mozart à travers le regard de son rival jaloux, Spalieri. Il faut le dire dès maintenant, Amadeus prend de nombreuses libertés avec la réalité historique, et n'hésite pas à faire des contresens. Ainsi, Spalieri contribua à la carrière de Mozart plutôt qu'il ne fit obstacle. Mais ces libertés sont admises aisément parce qu'elles permettent de livrer une réflexion passionnante sur l'artiste. Spalieri se ronge d'angoisse lorsqu'il découvre que Mozart, ce godelureau impertinent et arrogant, est un génie de la musique contre lequel il ne peut pas même songer lutter. Aussitôt toute son existence est remise en question, et le voici qui s'interroge sur les caprices de l'inspiration artistique. Mozart écrit des chefs d'œuvre sans effort, lui ne parvient à créer des amusettes musicales qu'à force d'un travail forcené. Aussitôt, l'envie le dévore, et tandis qu'il incrimine Dieu pour les tourments que lui inflige sa propre jalousie, Spalieri mène une lutte feutrée mais à mort contre Mozart. Lequel n'est finalement qu'au second plan. C'est bien F Murray Abraham, très précis et très juste dans son interprétation de Spalieri, qui possède le premier rôle. Le Mozart puéril, orgueilleux et délirant incarné par Tom Hulce sert de repoussoir. Et pourtant, c'est bien Mozart le génie, dont la musique transcende tout le film. L'intrigue est passionnante, originale et c'est avec émotion qu'on suit la bataille terrible entre les musiciens. On peut parfois trouver le film outrancier. La réalité est ici plus que transformée, et on sait aujourd'hui que Mozart n'était pas le génie persécuté forgé par la légende. Mais passées ces préventions, on savoure à chaque instant la beauté de cette fresque viennoise, en été comme en hiver, et l'on chavire à l'écoute des chefs d'œuvres de la musique classique européenne.