Un monument du septième art. Miloš Forman nous livre la vie romancée du plus célèbre des jeunes prodiges, j'ai nommé Wolfgang Amadeus Mozart. On nous conte l'histoire d'un Amadeus débauché, semi-alcoolique, amoureux des femmes et insolent à souhait. Face à l'impertinent génie se dresse un homme beaucoup moins extravagant, plus ombrageux, à la mine inquiétante et tragique, Antonio Salieri (magistralement interprété par F. Murray Abraham). C'est cette rivalité qui guide le récit, et celui-ci est savamment orchestré – le terme est bien choisi. En effet, on ne s'ennuie jamais durant les 2h30 de cette biographie. Salieri, aveuglé par l'admiration - plus que par la jalousie d'ailleurs -, tente de comprendre le génie de Mozart et cette faculté « venue tout droit du Ciel », comprenons de Dieu. Les deux hommes entrent en concurrence implicite, à distance, finalement remportée par Mozart, malgré sa mort à la fin du film. Salieri, que l'on retrouve plusieurs années plus tard, vieux et infirme, se repent en s'accusant indirectement de la mort du compositeur, à moitié fou (c'est du moins l'impression que l'on en a), et son macabre dessein, celui de signer un requiem de Mozart sous son propre nom, n'a pas abouti. La photographie, la mise en scène (qui rappelle celle du théâtre à bien des égards), le jeu tout en finesse et en ingéniosité d'Abraham, le travail des costumes et des maquillages... Tout est réussi! Cependant, je regrette que les scénaristes aient déformé la réalité historique. A aucun moment, il semble que Salieri ait porté une quelconque calomnie à l'encontre de Mozart. Forman dresse un portrait injuste et grossier du compositeur italien, décrit comme un individu rongé par le mélange d'adoration et de mésestime qu'il éprouve vis-à-vis du jeune salzbourgeois. Sa vie ne méritait pas tant de mensonges et de contrevérités. Mais si l'on passe outre, et que l'on s'en tient à l'intérêt de la trame narrative et à l'aspect purement technique de la réalisation, on ne peut que s'incliner face à cette oeuvre. Un grand classique à voir et à revoir, en prenant en compte qu'il s'agit d'une biographie romancée, et non authentique, de la vie de Mozart.