L'enlèvement aux Oscars.
Régulièrement aux Oscars, quelque chose d'un peu honteux se produit : un film rafle toutes les récompenses majeures et on se demande pourquoi. Cette année c'était Hurt Locker, mais il y a pire : Slumdog l'a fait il y a un an par exemple, mais bien avant lui Amadeus avait déjà commis un tel hold-up. Certes le Forman est une oeuvre maîtrisée, aux qualités évidentes ( tout le contraire du Boyle donc, relativisons ), mais il y a comme un contraste entre la qualité du film et les nombreux prix qu'il a reçus, un sentiment évident de déception au vu d'un film sympa sans plus.
Le film a de bonnes idées, dont celle d'utiliser comme musiques celles même que Mozart a écrites. La musique, d'abord diégétique, devient rapidement musique de fosse. Tout le talent du compositeur autrichien est donc là : parvenir à créer une oeuvre tellement importante et extraordinaire qu'elle contamine directement le film.
Mais il ne suffit pas d'utiliser des musiques d'opéra pour faire de son film une oeuvre du même genre, et Amadeus ressemble davantage à du théâtre qu'à de l'opéra ( d'ailleurs c'était une pièce avant d'être un film ), révélant par là même sa cruelle absence d'ambition. Il y a ici un manque de lyrisme, d'envolées grâcieuses, de folie. Tout est un peu trop sage, malgré l'excentricité du personnage de Mozart, qui contraste avec un film déroulant tranquillement le cahier des charges. Il faut reconnaître que Milos Forman parvient à éviter un certain académisme inhérent au film historique, qu'il évite l'immobilisme et les conventions du genre. Mais il ne va pas assez loin, à l'image d'un film qui s'attaque à de nombreux sujets sans véritablement les développer. La réflexion sur la création artistique est par exemple assez pauvre, et c'est d'autant plus dommage que Mozart semblait être un personnage intéressant, dont il eût fallu creuser davantage la psychologie. Il y a quelque chose de moderne chez ce personnage, un côté rock'n'roll prononcé, une aura de star qui fait penser à certaines icônes actuelles, la première étant Michael Jackson avec qui Mozart partage plusieurs points communs : l'excentricité donc, mais aussi et surtout une célébrité précoce, l'occupation du devant de la scène à l'âge où tout le monde squatte la maternelle. Mais Forman délaisse malheureusement l'étude du caractère particulier de Mozart pour n'en montrer que les signes extérieurs, ce petit rire brusque qui fait tache par exemple. C'est très peu, et trop illustratif.
La mise en scène a donc quelques éclats : dans l'alternance des temporalités, Forman fait fort, et réussit à mêler habilement passé et présent, surtout aidé par un beau montage fluide. Montage formidable encore lors de certaines scènes d'opéra, où le découpage se fait plus rapide, passant d'un personnage à un autre en faisant monter progressivement la tension par exemple. Un tout petit peu d'excitation dans un film calme.
Oeuvre trop sage, malgré quelques qualités admirables, Amadeus est le parangon d'une oeuvre à Oscars. Tout y est bien fait, mais sans surprises.