Grand classique des années 80 auréolé de nombreux Oscars, "Amadeus" aura surtout eu le mérite de faire connaître la vie tumultueuse de celui qui restera très certainement comme le plus grand génie musical de tous les temps. Et le portrait dressé par Milos Forman de Mozart, à défaut d’être inattaquable historiquement, est un véritable parti pris que le réalisateur assume de bout en bout… voir un peu trop. Car, si on apprécie la mise en avant de sa puissance de travail, de son génie instinctif, de ses colères ou encore de son perfectionnisme, le traitement apporté à son excentricité (parfaitement représenté par son invraisemblable rire) finit pas lasser et prend parfois le pas sur la complexité du personnage. Ce n’est pas le seul défaut de cet "Amadeus" qui souffre d’une mise en scène des plus académiques qui ne fait pas l’économie de longueurs et, surtout, qui se perd dans d’interminables séquences d’opéras (qui raviront surement les amateurs mais qui risquent d’ennuyer les profanes). L’efficacité n’est donc pas la vertu première du film, qui trahit parfois ses origines théâtrales par un ton trop surjoué et des scènes de huis clos manquant d’envergure sur grand écran (la composition finale entre Mozart et Salieri en est le meilleur exemple). Cependant, Forman peut compter sur son axe narratif qui fait toute l’originalité de l’intrigue. Car, si "Amadeus" reste une évocation de la vie de Mozart, il n’en reste pas moins que le film est davantage une confrontation entre deux musiciens que tout oppose. D’un côté, le petit génie viennois (campé par un Tom Hulce habité qui ne s’est jamais relevé de son interprétation), qui représente l’avenir de la musique et une véritable révolution des codes imposés, et de l’autre Salieri (le classieux F. Murray Abraham, perfide mais également pathétique), parfait exemple de l’arriviste parvenu à ses fins avec talent mais sans génie. Une opposition de style (le don contre le travail, l’extravagant contre le rigoureux…) forcément universelle qui se voit renforcer par le fait que l’histoire est racontée, par flash-back, du point de vue d’un Salieri qui s’accuse de la mort de Mozart. Sans ce choix de narration, Amadeus aurait certainement beaucoup moins tiré son épingle du jeu. Pour le reste, "Amadeus" peut compter sur de solides seconds rôles (Elisabeth Berridge, Jeffrey Jones, Simon Callow, Charles Kay, Cinthya Nixon…), d’une version française de qualité (pour une fois) et, bien évidemment, sur les compositions, toujours aussi éblouissantes, de Mozart qui berce le film du début à la fin.