Un ange à ma table (1990), le pouvoir des mots face aux maux :
Nouvelle-Zélande. Un ange à ma table, c’est Belfast (2021) en couleurs. Société fracturée, recherche d’identité. Une jeune poète en herbe se retrouve confrontée à une réalité austère. Petite, elle est placée dans une classe de marginaux. Adulte, elle retrouve ces camarades dans les dédales des hôpitaux. Enfant marginalisé, adulte stigmatisé. Comment demeurer particulière dans une société aux normes tentaculaires ? Janet était unique et a vu son histoire devenir tragique. Le poème devient alors son second langage, et les réminiscences son seul apanage. La poésie, arme mortelle face aux songes et aux chimères de la nuit. La plume écorche le papier, pendant que les rideaux de fleurs accueillent la brise et que les pleurs s’éternisent. Tous les soubresauts convergent et se figent en quelques photos ébréchées.
Janet est toujours à part : elle est exclue lors de l’insouciance de l’enfance, perdue au gré de la bohème de l’adolescence et abattue au creux d’un âge adulte qui n’a plus de sens. L’épilepsie de son frère est une métaphore touchante de la vie de Janet : elle témoigne d’une situation individuelle considérée comme un péché universel. Armageddon ! Janet se bat contre deux Goliath : la pugnacité de son anxiété et la dureté de la société. La jeune femme tente de se raccrocher à la vie en permanence, de rattraper le temps perdu de son existence, de tout voir, tout vivre avec fulgurances. Or, il n’y a pas d’acquis, il n’y a que de l’inné. Existence drapée de solitude, futur recouvert par l’incertitude. Jane Campion réalise un portrait exquis, non sans omettre les douleurs de la vie : deuil, jugement, exclusion et suicide. Les cœurs battent en brèche dans des paysages néo-zélandais, français et méditerranéens teintés de couleurs fraîches. Si les anges ont des ailes, Jane Campion nous montre dans ce film qu’ils ont aussi des cheveux roux désordonnés.