Vaste reconstitution historique de l’ascension puis de la chute de Raspoutine, qui eu un rôle d’influence très important à la cour du dernier tzar Nicolas II, jusqu’à son assassinat en 1916. Comme avec beaucoup d’autres de ses films, Klimov connu quelques déboires avec Agony, le film restant censuré pendant des années sous prétexte qu’il présentait une image trop sympathique du tzar. Celui-ci apparaît en effet complètement impuissant et manipulé, le film tendant à déresponsabiliser les protagonistes, soulignant davantage la confusion, les innombrables sources de pression et d’influence s’exerçant au sein de la cour. Avec l’arrivée de Raspoutine, les débauches et les scandales multiples commencent à apparaître dans la maison des Romanov. Klimov illustre la décadence de l’Empire par des fresques grandioses, dans de somptueux décors habités de personnages excentriques, tous plus ou moins fous. C’est en réalité à une peinture du chaos que nous assistons, un chaos dont chacun tente, en vain, de tirer un profit quelconque. Le pouvoir russe agonisant dans sa bulle s’éloigne ainsi toujours plus de son peuple. Klimov représente le décalage entre le peuple et la cour impériale par des collages d’images d’archives qui nous rappellent constamment la réalité du contexte historique, soulignant ainsi le contraste frappant entre l’inconséquence du pouvoir et la misère, la colère du peuple russe. La séquence d'archives rythmée aux sons des flashs photographiques est à cet égard saisissante. Une vaste métaphore de la fin de l’Empire Russe qui n’est pas sans rappeler "Les damnés" de Visconti, mais avec un ton plus absurde, parfois même assez drôle, grâce à l'excellente interprétation d’Alexei Petrenko. La profusion des personnages pourra parfois égarer le spectateur peu informé sur cette période de l’histoire russe, mais la folie du film, ainsi que sa valeur de document, méritent amplement le détour.