Une chose se plaque directement devant nos yeux, implacable détail, déstabilisant et intense à la fois : Anthony Hopkins déchire l’écran. Il joue le rôle d’un ancien docteur à la folie maîtrisée qui ne laisse rien passer, qui contemple et analyse sans cesse ses proies pour mieux les répudier ensuite, pour mieux se les approprier et donc mieux les goûter. Demme sait imposer un ton jusqu’au bout à son film, voici pourquoi celui-ci est autant réussi : dès les premiers instants durant lesquels on aperçoit cette Jodie Foster s’époumoner dans un parcours imposé par le F.B.I et par elle-même, suant par tous les pores de son corps, on est plongé tête la première dans une ambiance morbide, délicate et presque puante. Adapter le livre éponyme de Thomas Harris était un pari tellement risqué, cette oeuvre contenant un maximum de détails sur les comportements des personnages, voire même sur l’ameublement d’une pièce, qu’il faut faire dès le départ la part des choses entre ce qui peut être filmé et ce qui doit passer en second plan (hors-champ dans la limite du possible). Malgré toute la folie et l’aliénation provoquées par la situation de départ (un univers dont on ne sait rien, et dont on se retrouve inspiré dès les toutes premières secondes d’ouverture) provoqué par un seul homme, par une seule personnalité, par un Hopkins dont on ne dira jamais assez à quel point il excelle dans sa performance, et ce à tous les étages et à tous les instants dans lesquels il apparaît, sourire au coin ou frénésie abondant ses yeux couleur noisette, bien que lésinant parfois sur le rouge à l’opacité se rapprochant d’un bon petit chianti de Toscane, lorsque les corps se rapprochent, plus maintenant enveloppés par les barreaux d’une cellule. Et ça mord. Le spectateur est pris à la gorge par une histoire qui longe les fragments et les éléments du récit sans jamais le faire échouer sur la mauvaise plage en se rajoutant des difficultés scénaristiques qui ne feraient que plomber une aventure écrite déjà bien (trop) remplie. On a affaire à un thriller qui transforme ce qu’il touche en argent, aidé pour cela d’une mise en scène qui laisse découler un suspense diabolique et une tension sans fin. Mais pas seulement. Les apparences sont trompeuses et les répliques futées et poétiques dans l’ensemble. Il est très simple de prendre son pied en observant l’enquête se poursuivre, celle-ci étant bien filmée et bien montée, mais il est encore plus aisé d’apprécier toute l’envergure prise par Hopkins, si bien qu’on ne remarque plus que lui et que tout ne le touchant pas (que ce soit l’angle pris par la caméra ou les dialogues alléchants mais aucunement joué par sa propre personne) est placé au second plan. Un problème qui se retranscrit dans d’autres plans, lorsque ce dernier n’y est que guère présent, et qui provoquent un certain ennui car les situations, sans la touche attractive qui leur conviennent si bien, perdent de leur souffle et surtout de leur caractère. Et ce surtout dès les trente dernières minutes, pour repartir sur une scène finale incompatible, géniale, ébouriffante… En outre, du sacré cinéma.