15 ans après, Coppola remet le couvert de la saga Corleone. Le premier volet était celui de Marlon Brando, le deuxième celui d’Al Pacino : ce dernier est celui du réalisateur. Car s’il y a bien une chose qu’on retient à l’issue de la projection, c’est la virtuosité hallucinante de Coppola. Eclairages somptueux, enchaînements de plans réglés au millimètre… une mise en scène parfaitement maîtrisée, qui se déguste comme un grand bordeaux et qui culmine dans cette immense séquence finale du règlement de comptes pendant la représentation de "Cavalleria rusticana" à l’opéra de Palerme. Plus linéaire que dans les épisodes précédents, le scénario n’en est pas moins de haute tenue. Car à côté de l’intrigue inspirée du scandale du Banco Ambrosiano, les angoisses de Michael Corleone, sa quête désespérée de rachat, sa déchéance physique donnent au film un côté crépusculaire et émouvant qui manquaient aux précédents opus. Parfois aussi, et c’est nouveau, on prend le temps de vivre, comme lors de cette virée dans la "vraie Sicile" que s’offrent Michael et Kay, qui auront finalement traversé toute la trilogie en dépit des épreuves - virée qui les amènent, au hasard d’un plan, devant l’église où les mafieux de Don Ciccio pourchassait un Vito Corleone encore enfant, bien des décennies auparavant. La boucle est bouclée, rien n’a vraiment changé… Côté casting, la bonne surprise vient d’Andy Garcia, plein de classe et parfait en jeune chien fou qui apprend vite son métier. Al Pacino est décevant si on le compare à ses prestations précédentes : coupe de cheveux improbable, et il en fait parfois trop (sa première crise de diabète !). Mais il est tellement son personnage que ça passe, malgré tout – même si on ne retrouve que par instant le regard hypnotique qui le déifiait dans les deux premiers volets. Eli Wallach cabotine beaucoup, mais on a tant de plaisir à le revoir… Et Joe Mantegna, et Talia Shire… Quant à Sofia Coppola, injustement éreintée par la critique à la sortie du film, elle s’en sort avec les honneurs en oie blanche au milieu des loups. Son exécution à la fin du film signe l’anéantissement des espoirs de rédemption de sa famille, ainsi que la mort par anticipation de son père – concluant une trilogie qui, pendant 9 heures cumulées, nous aura mené au cœur du crime et des passions humaines, et se sera affirmée, au delà de quelques faiblesses de détail, comme un des plus beaux et des plus ambitieux monuments cinématographiques qui aient jamais été conçu.