Après l'échec d'Outrages, Brian De Palma a mis toutes les cartes de son côté pour effectuer un retour en haut du box-office. En plus d'adapter un best-seller récemment sorti, il se paye un casting royal avec notamment la jeune star montante Tom Hanks, Bruce Willis qui venait de sortir de Die Hard ou encore la belle Melanie Griffith.
Pourtant ce fut un retentissant échec à sa sortie, tant commercial que critique, ce qui n'est guère difficile à comprendre. De Palma a la lourde tâche d'adapter le vaste et riche roman de Tom Wolfe et, au lieu de se concentrer sur certains points, il préfère tout aborder, ce qui est impossible en un peu moins de deux heures de film. Du coup, on se retrouve avec une oeuvre intéressante mais qui paraît totalement inachevée, tant au niveau des thématiques que des personnages et des relations qu'ils vont entretenir.
C'est dommage car le film ne manque pas d'idées, notamment celui de prendre le point de vue de Bruce Willis (Peter Fallow, le journaliste alcoolique) pour raconter l'affaire. Néanmoins, De Palma enchaine les maladresses dont la plus grosse me semble toute la dernière partie, où il modifie le roman pour mettre en place un happy-end aussi mal amené que de mauvais gouts. À défaut de vraiment donner une consistance à ses personnages, il dirige ses acteurs vers la caricature, beaucoup de choses sonnent fausses notamment chez le révérend ou le jeu de Hanks, bien trop tendre pour le personnage de Sherman McCoy, bien qu'il ne soit pas du tout aidé par l'adaptation scénaristique de son personnage.
C'est aussi là l'un des problèmes du film, dans le livre de Wolfe, on ressentait totalement le sommet de McCoy, la bulle qu'il s'était construit puis enfin sa descente aux enfers, ici il n'y a pas cette sensation, ce grand huit émotionnel et social qu'il devrait connaitre. De plus, son traitement trop caricatural (j'en reviens encore au procès final, entre autres) n'apporte que de lourdeur à l'oeuvre, surtout qu'il semble prendre ça sur le ton de la farce. Il n'y a que trop peu de dramaturgie, on a du mal à y croire tant tout semble faux et trop rapide et on ne ressent rien pour les personnages.
Pourtant tout n'est pas non plus à jeter, et s'il y a bien un point que le metteur en scène de Body Double traite avec réussite, c'est celui de l'hypocrisie générale et d'une société totalement individualiste où chacun pense à sa gueule et porte-monnaie, quitte à faire du mal à autrui. C'est à travers la vision des politiques, des hommes d'église, des proches de McCoy ou encore des communautés qu'il dresse ce portrait cynique et dégueulasse de la "poubelle New-yorkaise". Seul Bruce Willis semble avoir un peu de lucidité, bien qu'il soit totalement dans le système, et le traitement de ce personnage, bien que peu présent, est l'un des points forts de cette adaptation.
Si j'ai une haute estime pour la première partie de carrière de De Palma, il semblait, au tournant des années 1990, prendre un virage différent, souvent moins personnel et ça ne lui a guère réussi. Ici, il ne montre aucun génie, il réalise son film sans touche personnelle et en suivant les modes de son temps (cadrage, musique, lumière etc), bien que ça reste relativement correct. C'est plutôt bien rythmé, l'histoire est tellement riche que l'on n'a guère le temps de s'ennuyer de toute façon et, malgré une direction plutôt médiocre, Melanie Griffith et Bruce Willis sortent du lot devant la caméra.
Bref, une adaptation décevante et c'était presque couru d'avance malgré le prestige devant et derrière la caméra. De Palma signe un film impersonnel et une adaptation trop superficielle de l'oeuvre de Tom Wolfe et ce, malgré quelques points intéressants.