Mortelle randonnée : les secrets du tournage

Marc Behm, auteur du livre Eye of the Beholder, écrivit d'abord un scénario sur la même idée et le proposa au producteur américain Samuel Bronston. A la recherche d'un acteur pour incarner l'oeil, ce dernier proposa le rôle à Robert Shaw puis Charlton Heston mais les deux refusèrent. L'écrivain rapporte une parole prononcée lors de l'un des refus : " Qu'est ce que c'est que cet homme qui suit une fille, ce n'est pas naturel ça. Pourquoi ne l'invite t-il pas à dîner ? " Marc Behm se décida donc à en faire un roman dans l'espoir d'être adapté, roman qui deviendra par ailleurs un classique de la collection Série noire chez Gallimard.

A l'origine du projet se trouve d'abord Charles Gassot qui demande à Claude Miller de réaliser un second film avec Michel Serrault, pour profiter du succès de Garde à vue. D'un autre côté, Michel Audiard, le dialoguiste de Garde à vue, travaille justement sur le roman de Marc Behm dont le titre français est Mortelle randonnée. Une fois le scénario terminé, il contacte Claude Miller qui décide de le réaliser.

Michel Serrault est logiquement engagé dans le rôle de l'oeil et Guy Marchand, l'autre acteur de Garde à vue, rejoint le casting dans le rôle de l'homme pâle. Le film bénéficie par ailleurs des services du même monteur Albert Jurgenson, qui a travaillé sur de nombreux succès français dont La Grande Vadrouille, ou encore Mon Oncle d'Amérique.

Ce film marque la seule collaboration entre Michel Audiard et son fils Jacques Audiard, réalisateur de Sur mes lèvres et de De battre, mon coeur s'est arrêté. Il s'agit également du premier essai de ce fils prodigue en tant que scénariste, d'autant qu'il a débuté la construction du scénario seul pendant trois mois. Son père l'a ensuite rejoint pour l'écriture des dialogues.

A propos de ce rôle, Michel Audiard et Claude Miller convenaient tous deux du fait que cette femme devait paraître très laide. Cependant, le réalisateur se demanda comment proposer un tel rôle à une actrice Il lui vient l'idée de proposer ce personnage à une belle comédienne comme un contre-emploi. Stéphane Audran accepta donc de s'enlaidir pour les besoins du film, avec un résultat saisissant.

Pour le rôle de la criminelle, les Audiard souhaitaient engager une actrice inconnue sur laquelle l'oeil allait fixer son dévolu. Mais Claude Miller pencha plutôt pour une icône montante du cinéma français : Isabelle Adjani.

Le tournage du film a duré 20 semaines et s'est étale géographiquement sur plusieurs pays d'Europe. Les décors naturels, souvent prestigieux, étant loués par la production sur un certain nombre de jours donnés, l'équipe se trouva obligée de revenir une seconde fois dans chaque lieu pour finir les scènes incomplètes. Les complications dues à la difficulté de franchir le mur de Berlin ralentirent encore le tournage.

Charles Gassot raconte qu'Isabelle Adjani fut contrainte de voyager dans le camion des costumes suite à un retrait de permis à la frontière belge, en plein milieu de l'itinéraire fixé par la production. Privée de ses seuls papiers, elle se prit au jeu avec beaucoup de plaisir.

L'affiche du film sorti en 1983 est prestigieuse et ne regroupe pas moins de quatre comédiens primés aux Césars : Michel Serrault et Guy Marchand pour Garde à vue en 1982, Stéphane Audran pour Violette Nozière de Chabrol en 1979 et Isabelle Adjani pour Possession de Zulawski en 1982.