Vu à sa sortie au cinéma, et quel grand plaisir de le revoir ; mieux : le découvrir puisque cette fois j’ai regardé la version longue. Plus de 20 ans et beaucoup de scènes m’étaient resté. Et je n’ai pas vu le temps passé. Je suis de ceux qui ne croient pas en l’Homme, pas plus en Dieu d’ailleurs, toutefois je reconnais que l’Homme, célèbre et anonyme peut être doué de sagesse, d’intelligence pure pour accomplir de grandes oeuvres envers ses semblables dans ce monde depuis qu’il tourne sur lui-même et autour du soleil ; soit dans la souffrance, en luttant contre les idées reçues et fausses. Tout simplement parce que l’Homme croit en l’Homme, en l’Humanité. Justement, « Danse avec les loups » me réconcilie avec l’Humanité… mais le temps du film ! Peu importe que cela soit un roman, le fait de brosser un tel personnage comme Dunbar prouve que l’écrivain ou scénariste d’origine croit en l’Homme. Si j’avais des scènes bien gravées dans ma mémoire, je dois avouer que j’avais complètement occulté sa dimension écologique. Est-ce dû à la version longue ? Déjà ça commence avec ce regard noir de Dunbar en route pour le fort de Sedgwik où « le paysan » qui l’emmène jette une boîte de conserve. Puis lors de son installation, Dunbar découvre une véritable décharge, à cela s’ajoute du gibier qui croupit dans l’eau, tué sauvagement. Les interrogations de Dunbar sont aussi les miennes et sans doute celles des spectateurs. Enfin, il y a son rapport avec la nature ; son envie de communiquer avec ce loup et évidemment avec « l’ennemi.» A noter l’humour que j’avais oublié. Distillé avec parcimonie et approprié. Comme ce drapeau qui recouvre soudainement le visage de Dunbar (à cause du vent) au moment de se présenter devant une indienne ; sa panique pour sortir de sa cabane, il se cogne la tête et s’écroule ; son cheval deux fois kidnappé et qui par deux fois revient en prenant soin à chaque fois de faire chuter son ravisseur. Et son rapport avec les Sioux. Un humour qui révèle aussi l’aspect profondément humain de Dunbar. Il n’a rien d’un héros, d’un dur à cuire. C’est un être sensible. Un personnage que n’aurait pas apprécié un certain John Wayne ! « Danse avec les loups » est un western qui sait prendre son temps, un brin contemplatif qui invite à s’interroger à méditer sur cette Humanité. Kevin Costner en Lieutenant Dunbar ne varie cependant pas avec John Ford. Il n’a rien d’exceptionnel en prenant parti pour les Indiens. Sa vision humaniste peut paraître simpliste, voire pour d’aucuns démagogique (si si, j’ai lu des réactions qui vont dans ce sens) et paraître manichéenne. Sans doute puisqu’il nous dit que les Sioux ne sont pas comme on le prétend : voleurs, mendiants, criminels et opte pour des Blancs méchants, grossiers, incultes, comme ce « paysan » qui l’a mené au fort. Il scinde bien à sa manière les gentils des méchants. Son propos est vraiment manichéen. Quel mal à ça ? Si on contextualise l’époque, une très très grande majorité d’américains était persuadée que les Indiens étaient méchants ! Confédérés et Unionistes réunis ! Et il devait y avoir une très très toute toute petite minorité qui devait tenir un autre langage ou à défaut espérer qu’il y avait aussi du bon chez l’Indien. Cela en disait long sur la sagesse de celui ou celle qui osait l’envisager. La même Amérique qui se déchire pour mettre fin à l’esclavage, la même Amérique du Nord qui, pendant un temps, s’appliquera un voile devant les yeux pour ignorer aléatoirement la ségrégation raciale qui sévira dans le Sud. Donc, Kevin Costner a l’audace de ne pas faiblir, d’aller au bout de son propos en prenant le parti des Indiens et de noircir son Amérique en passant les Blancs pour des monstres. Au passage - faut-il le rappeler ? l’Amérique était avant tout indienne ! A noter : il nous dit aussi qu’il y a des indiens méchants. Comme les Blancs, tout échange paraît impossible. Au-delà de sa démarche humaniste, « Danse avec les loups » nous présente un Dunbar qui peut être comparé à ces premiers explorateurs qui ont le souci non pas d’investir, d’envahir une terre, un peuple, mais de faire connaissance pour partager leur propre humanité et l’inscrire dans l’Humanité avec un grand H. Explorateur ne rime pas avec envahisseur. Un envahisseur impose, un explorateur partage. Dunbar est aussi meurtri que Oiseau Bondissant de ne pas pouvoir communiquer. Dunbar aura le souci d’apprendre la langue. Kevin Costner, pour sa toute première réalisation, a réalisé une oeuvre majeure. Peu importe que cela soit la seule dans sa filmographie en qualité de réalisateur, son film est réussi car il va droit au coeur. Oui, « Danse avec les loups » est un film qui fait du bien à l’âme et au coeur. Dunbar est un être optimiste, il faut l’être pour se porter volontaire dans ce fort délabré, insalubre, perdu au milieu de nulle part ou plutôt dans une zone sensible ; il faut l’être pour croire en l’Homme, surtout s’il est Indien ; il faut l’être pour trouver la fameuse personne qui l’écoutera et qui permettra de préserver les communautés indiennes et plus particulièrement les Sioux. « Danse avec les loups » c’est aussi la musique signée John Barry, envolée, un brin épique et colle admirablement à ces immenses espaces et à ce loup qui, quelque part croyait en l’Homme. A tort ou à raison ? Dorénavant, dois-je m’efforcer de penser au film, me l’imposer dans mes pensées comme une prière pour m’aider à croire en l’Homme ? Je l’ai dit, c’est le temps d’un film (ou d’un livre). Il y aura toujours des moments où je verrai le verre à moitié vide ; le paragraphe qui devance le générique de fin ne me le fait pas voir autrement. A voir en V.O pour la voix toute particulière de Kevin Costner.