Avis sur Petit Dieter doit voler

Un portrait très intéressant de cet homme rescapé du Viet-nam qui a survécu comme il le dit grâce à la dureté de son apprentissage de jeunesse.
L’homme raconte tout cela avec une aisance incroyable. Preuve en est que les souvenirs étaient présents à chaque instant de sa vie.
Et jusqu’au bout je le pense.

Que Little Dieter Needs to Fly soit réalisé et raconté par Werner Herzog le tient écarté de tout pacte autobiographique et des lois qui le régissent ; aussi le postulat adopté par le long métrage fait-il de la fiction un moyen d’accéder à la réalité, la duplication artificielle du martyre enduré par Dieter Dengler réveillant en lui des blessures profondes qui disent quelque chose de l’homme en prise avec la nature, en prise avec sa nature. La reconstitution proposée par le cinéaste permet de sonder le traumatisme de l’aviateur qui persiste en lui malgré sa bonhomie extérieure ; le recours à la fiction, qui n’hésite pas à amplifier voire à inventer des situations, transforme le survivant en un héros à part entière, convertit une vie singulière en une trajectoire légendaire. Ce n’est pas un hasard si Herzog chapitre son film en commençant par « l’homme », point de départ nécessaire à la constitution d’une histoire légendaire marquée par un héros – qui ne peut qu’être absent de la réalité, le héros étant de nature fictive. D’où l’intérêt croissant porté à la notion de destin : il s’agit ici de révéler les signes qui guident l’individu dans une direction particulière, depuis l’attaque du village natal allemand à la déambulation finale parmi les hectares que recouvrent des avions posés au sol. L’héroïsme de Drengler n’advient que par la conversion d’un statut de témoin à celui de personnage d’une histoire universalisable dans laquelle s’accomplit une destinée au fil des épreuves. Voler apparaît d’emblée comme un rêve auquel s’accrocher, un rêve à concrétiser et auquel se raccrocher lorsqu’une puissance extérieure essaie de couper les ailes à celui qui élisait domicile dans le ciel. Les tentatives d’évasion, souvent soldées par un échec, attestent ce désir de quitter un environnement hostile pour gagner un ailleurs, relecture proposée par Herzog à partir du simulacre qu’il met en place et qu’il commente en qualité de narrateur. Une œuvre dense et passionnante qui investit le documentaire avec une intelligence rare.

Suite au visionnage du très bon Rescue Dawn réalisé par Herzog, je me suis orienté vers le documentaire traitant exactement du même sujet, par le même réalisateur, sorti 10 ans plus tôt. Pilote dans l'armée Américaine lors de la guerre du Viet-nam, Dieter Dengler fait crash au cœur de la Jungle Laotienne et devient captif des Pathet Lao. Le documentaire retrace la vie de Dengler, depuis sa naissance dans une petite ville Allemande jusqu'à ses déboires dans la jungle... Documentaire typique à la Herzog avec un maximum d'interviews et peu de place pour la voix-off pour un rendu parfaitement objectif. Le documentaire est très similaire au film sur de nombreux points de vue et d'ailleurs Herzog s'est largement inspiré du documentaire initial pour réaliser Rescue Dawn 10 ans plus tard. Ce documentaire ne surprend pas lorsqu'on a déjà vu le film. Peut-être est il plus judicieux de visionner d'abord le documentaire et ensuite le film...