(...) D'un point de vue narratif déjà, on nous présente le personnage via son véhicule puisque le héros n'apparaît pas tout de suite à l'écran. Il semblerait surtout que l'on commence par la fin avec un barrage routier mis en place par la police tandis que le véhicule, qui est celui du héros, se rapproche au loin (plan magnifique par ailleurs). L'homme, coincé, fait demi-tour, s'isole, hésite, se demande bien comment il va s'en sortir. Puis il repart au volant de son destrier d'acier et file vers son destin, croisant une autre voiture, noire celle ci et l'image se fige. Nous sommes un dimanche matin en Californie, et d'un coup, la voiture blanche disparaît (le "vanishing point" qui donne son titre original au film) et quand l'image reprend vie, on suit désormais la voiture noire qui nous ramène deux jours avant, à Denver dans le Colorado. Alors déjà, autant vous dire que j'ai été happé direct par ce qui est sans doute l'un des raccords les plus inventifs et significatifs que j'ai vu dans ma vie de cinéphile ! (...) Et là, le film prend corps. D'un côté, on a le parcours de Kowalski, sa course folle qui permet au scénariste de nous faire revivre les moments marquants de son passé (via de courts flashbacks ou bien via la lecture de son dossier par les policiers de la route) et de l'autre, on a cet autre personnage qui va "dialoguer" avec lui via la musique ou bien la cibie. C'est d'ailleurs là où je trouve que l'utilisation de la musique est vraiment intéressante, intervenant régulièrement de manière soit intradiégétique (Kowalski est branché sur KOW, la radio du Soul Surfer) ou bien extra-diégétique (le son vient de l'extérieur parfois et accompagne la course), avec régulièrement des raccords entre les deux. Bref, le film est très malin et finit par nous en dire plus avec quelques plans bien choisis que via une voix-off envahissante (surprenant quand on sait que le scénariste est avant tout un romancier). Ensuite, il y a la multitude de citoyens croisés par Kowalski, ce qui en fait un film représentatif de cette époque. Entre le vieux qui a fait du désert son espace de vie (superbes décors au milieu de la Vallée de la Mort), la troupe d'évangélistes reconvertis en espèce de secte (plan ultra biblique et pertinent du "gourou" en chef qui remet les serpents en liberté), les hippies du désert, le couple d'auto-stoppeurs un peu gays et un peu roublards, l'automobiliste qui défie Kowalski dans une course folle bref, Sarafian et son scénariste Guillermo Cabrera Infante ne cherchent pas à donner de leçons ou à énoncer une quelconque vérité, ils font le portrait amer, contrasté et surtout symbolique d'une Amérique des 60's, celle du triomphe du rêve américain, qui vient de se réveiller en plein cauchemar. On se retrouve donc face à un road movie qui lorgne forcément du côté du western mais aussi du film porte-étendard d'une génération frustrée et démobilisée, qui ne se reconnaît plus dans ce monde en perdition. Un film passionnant, hyper prenant, mené pied au plancher avec quelques plans en caméra embarquée vraiment époustouflants. Un film de poursuite qui a des choses à dire, à défendre et à faire entendre, porté par un acteur au charisme magnétique (et imposé par le studio de la Fox face au réalisateur qui lui, voulait plutôt prendre Gene Hackman !!). Les dialogues ne sont pas exceptionnels mais le film l'est par la grâce de certains plans plus parlants, qui multiplient les symbolismes et qui impose sa vision. Un classique culte à découvrir sans tarder ! La critique complète sur thisismymovies.over-blog.com