À la base, il y a une pièce de théâtre intitulée US, créée non par Peter Brook lui-même, mais par Denis Cannan. S'appuyant sur quelques comédiens de la Royal Shakespeare Company, le réalisateur en propose une adaptation bien dans l'air des sixties, sur le fond comme sur la forme. Sur le fond, le film véhicule un engagement contre la guerre du Vietnam, sans se réduire pour autant à un pamphlet borné. C'est l'une de ses qualités : faire entendre différents sons de cloche sur le conflit et avancer sur le mode de la réflexion en marche, réflexion sur le sens de la guerre, les manipulations idéologiques, l'engagement politique, la responsabilité morale, le recours ou non à la violence pour faire entendre sa voix... Autre point appréciable : le fait que Tell Me Lies livre des considérations sur la guerre du Vietnam vue depuis la Grande-Bretagne, sans prétention universelle. Cet aspect contextuel est intéressant. Enfin, le film restitue bien l'agitation intellectuelle qui régnait alors. Sur la forme, on navigue entre documentaire et fiction. Le genre tient plutôt de l'essai. On songe tantôt à Peter Watkins, tantôt à Jean-Luc Godard. Le style témoigne d'une grande liberté de ton, où se mêlent longs dialogues, reconstitutions, chansons satiriques...
Tell Me Mies est une oeuvre intelligente, intéressante et inventive. On peut toutefois mettre un bémol au résultat final, dans le sens où Peter Brook s'est probablement laissé emporter par son sujet, le malaxant dans tous les sens et dans tous ses paradoxes, avec un bouillonnement intellectuel et un flot de paroles souvent captivants mais aussi parfois légèrement lassants sur la longueur. Un trop-plein qui laisse un petit sentiment de confusion, cohérent néanmoins avec les questionnements du film.