Le cinéma de Tavernier est toujours assez académique en général, mais c’est un réalisateur très appliqué qui signe des films ambitieux et esthétiquement solide.
Ici La Vie et rien d’autre, par bien des aspects est un Tavernier caractéristique. Les images sont superbes. Ambiance grise d’excellent alois, photographie froide, brumeuse à la luminosité hivernale, décors mornes et tristes totalement en accord avec le sujet, l’époque et le lieu, et mise en scène recherchée, pleine de cadrages et d’angles de vue judicieux, Tavernier signe un film très réussi en la matière, et qui, malgré une application qui nuit presque à la force coup de poing du métrage, c’est tout de même très appréciable. La musique reste en revanche franchement académique, plutôt dans le ton du film certes, mais rien de surprenant du tout, c’est juste de la musique d’ambiance, dommage.
Le casting semble souvent être considéré comme le point faible du film, je ne le crois pas. Philippe Noiret est très bon et méritait son prix me semble-t-il. Il colle bien à ce rôle dont il s’empare avec sérieux, apportant aussi cette forme de fatigue, d’usure que l’acteur savait si bien donner à ses personnages lorsque c’était nécessaire. Très bon, il fait face à un casting plutôt très convaincant lui aussi, avec une Sabine Azéma peut-être un peu ténue dans sa prestation, jouant avec un certain retrait, mais cela n’est pas pour autant mauvais. Pascale Vignal ne démérite pas non plus, même si elle est moins connue que certains seconds rôles de prestige ! Belle interprétation et bons personnages aussi, car le film les creusent, et surtout les places dans un contexte inédit !
En effet, Tavernier s’attaque à une histoire principalement attractive par sa dimension inédite. Les années suivant la fin de la 1ère Guerre mondiale sont très rarement traitées au cinéma, et cela n’en rend que plus intéressant sur le plan historique ce métrage qui séduit par son authenticité. Peut-être un peu lent, La Vie et rien d’autre reste un mélange judicieux et réussi entre la Grande histoire et la petite histoire. Et en plus Tavernier ne prend pas complètement ses distances en donnant aussi sa vision des choses, des gens, de la guerre, des soldats et des officiers, ce qui, amené par petites touches, fait de La Vie et rien d’autre un film consistant et nourri.
Je ne peux pas dire que ce film est un chef-d’œuvre, il y a des lacunes et le style Tavernier ne se prête pas trop à des chefs-d’œuvre véritables, le réalisateur s’avérant souvent tellement appliqué et méticuleux que ses métrages manquent un peu de puissance et de force brute. Ici c’est dans une certaine mesure le cas, mais d’un autre côté il est rare que Tavernier loupe franchement un film ! 4