Il serait malhonnête de ma part de ne pas reconnaître un certain talent au cinéaste Terrence Malick, même si tous les mérites d’un film comme « Les Moissons du ciel » (ou en tout cas les qualités qui empêchent au film de totalement sombrer dans le plus banal) reposent très largement sur les épaules du directeur de la photographie espagnol, Nestor Almendros. Celui-ci a en effet réalisé un travail significatif, notamment sur la lumière naturelle, travail dont les inspirations picturales sont assez évidentes (on pense au Christina’s World de Wyeth et bien sûr à la célèbre Ecole du fleuve Hudson, et notamment à Frederic Church pour ces ciels rose/orange qui font tout l’intérêt esthétique du film). Pour le reste, il faut bien reconnaître malgré tout, et à regret, que Malick n’évite pas les écueils redoutables du cinéma américain. Les dialogues à deux sous sont légion (presque systématiques), du type « Tu as déjà été amoureux toi ? » sur fond de violons mélancolico-chiants (Ennio Morricone nous a pondu une variation vraiment laborieuse de l’Aquarium de Saint-Saëns). Malick, et c’est indiscutable, est bon paysagiste et sait bien filmer les animaux. Il nous offre alors régulièrement des interludes animaliers, ma foi plutôt sympathiques (lors de la séquence de l’incendie, c’est même fort réussi), mais il use aussi d’autres digressions, beaucoup plus pénibles celles-là, pour faire défiler le temps diégétique de son film, donnant l’impression de combler comme il peut les trous. Ainsi de ces bien trop nombreuses séquences rébarbatives, succession de clichés visuels (ici le couple fait du cheval dans la neige, le sourire aux lèvres, là il s’allonge dans l’herbe, se baigne, etc), ponctués par la musique décidément toujours aussi lourde de Morricone ou par la voix off de l’enfant, dont la naïveté, certes volontaire, n’est en rien touchante mais plutôt d’une platitude désespérante… Je ne suis pas insensible à la simplicité, bien au contraire, mais simplicité n'est pas facilité. On n’échappera donc pas à la mélancolie d’une poésie à la Jane Campion, c’est à dire bien pauvre, avec ces plans du kiosque au milieu du champ de blé, les rideaux balancés par le vent... Au final que retenir de ces Moissons du ciel tant portées aux nues? Ces ciels, cette lumière et puis…. Et puis c’est tout. Pas de quoi crier au génie.