Parmi les 54 films d'Ozu, Printemps tardi (1949) est plus simple d'interprétation et peut-être plus accessible. Ce chef d'oeuvre est d'ailleurs beaucoup passé les dernières années à Paris et à Londres.
Le thème est en simple : juste après guerre, une jeune fille de 24 ne veut pas quitter son père pour se marier, un professeur de philosophie allemande de 56 ans, ce qui est âgé alors, récemment veuf. Pour la convaincre il lui fait croire avec la complicité de sa belle-sœur qu'il va se remarier et que sa fille n'aura plus à s'occuper de lui (son riz, ses repas, son linge etc.).
C'est l’illustration du fait qu'Ozu aborde des thèmes très différents dans le champ qui est le sien : la famille japonaise avant et après guerre. Les films d'Ozu sont donc très variés, contrairement à ce qu'a prétendu la critique pendant des années (Donald Richie, Gilles Deleuze, Godard etc). Seulement, Ozu a adopté très tôt un style particulier en plan fixe identiques dans les maisons, la caméra en légère contre plongée, mâtinés de long travelling quand les personnages se déplacent à l'extérieur et ponctué, pour séparer les chapitres, de plans de la nature et/ou de "plans vides de personnages" qui sont en fait des natures mortes, signifiant le bonheur dans la simplicité.
Dans ce films quatre séquences remarquables dans un ensemble d'une grande perfection sensible, ces séquences signifie la simplicité du bonheur :
- La cérémonie du thé qui ouvre le film.
- La promenade à bicyclette à la plage de l'héroïne avec un élève de son père, séduisant mais qui va se marier avec une des camarades de classes de la jeune fille. Une scène d'une grande beauté qui fait penser à Monika de Bergman (1954). Juste un petit détail sur cette superbe plage, soudain une publicité Coca Cola (même s'il n'y a pas de critique explicite de l'occupation, la note est là).
- Le spectacle de nô (superbe) où le père salue sa prétendue fiancée, spectacle que semble beaucoup apprécié par le père : né en 1890, donc il a été jeune professeur dans le Japon de l'ère expansionniste où les deux cultures traditionnelle et occidentale, coexistaient, voire s'opposaient.
- La visite de Kyoto avec le père, où la jeune fille accepte de chercher le bonheur avec son futur mari, dernier voyage de la fille et du père où celui-ci, avec un ami, renoue avec les valeurs zens ; il n'y a de bonheur que dans la simplicité et dans l'acceptation du changement (le mariage en est un).